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De la caisse de grève à l’autonomie prolétarienne

lundi 24 août 2015, par SUB-TP-BAM RP

Il y a quelques mois de cela, le groupe Salvador Segui de la Fédération Anarchiste publiait, dans « le Monde Libertaire » un article sur les caisses de grève [1].

Il est regrettable que ces compagnons aient une fâcheuse tendance à ne jamais porter le regard vers une CNT(f) se revendiquant d’une forme organisationnelle pourtant identique à celle du militant espagnol dont ils semblent vouloir honorer le nom [2] et la pratique syndicale.

Nous tenterons donc ici, une nouvelle fois, de montrer de quelle manière un syndicat révolutionnaire fait mieux qu’aucune officine réformiste.

L’article s’engageait sur une discussion tenue dans les instances (UL, UD et Fédérations) de la CGT sur le « facteur illégal » des caisses de grèves.

On croit rêver, où pour le moins on serait tenter de croire que de tels propos pourrait déciller les mirettes de ces militants se réclamant de l’anarcho-syndicalisme à la CGT !

Il semble que non, puisqu’ils persistent à croire que l’avenir du syndicalisme se trouve encore dans ces structures pyramidales et bureaucratiques d’accompagnement du Capital.

Pourtant les vieux de 1830 ou 1848 n’avaient, eux, attendu ni la loi de 1864 [3] ni celle de 1884 [4] pour mettre en place les mutuelles et caisses de secours « illégales » nécessaires au développement de la lutte et de leurs organisations de base.

100 ans de soumission aux phraseurs de tribunes électorales, ça laisse des traces … même chez certains anarchos !

Si certains en fond des caisses …

Selon le site Rue89, « les syndicats FO et la CFDT disposent chacun d’une caisse de grève nationale, mais seulement pour leurs adhérents. À la CFDT, la "caisse nationale d’action syndicale", qui existe depuis 1974, sert à verser 18 euros quotidiennement aux grévistes adhérents, à partir du troisième jour de grève. À FO, l’indemnité est de 12 euros par jour, dès lors que la grève dure plus de sept jours ».

Le paritarisme mène à tout, même à gérer la caisse de grève comme la Sécu. En bon gestionnaires, les jaunes de la CFDT appliquent, là aussi, 3 jours de carence.

Quand on sait que la moyenne des grèves est inférieure à cette durée, il ne leur arrive sûrement pas souvent de délacer le cordon de la bourse solidaire.

Quand, d’autre part, on sait, que dès le début du conflit, il faut mobiliser le maximum de personnes, les décider en leurs indiquant qu’ils vont déjà perdre 3 jours de paie, c’est se tirer une balle dans le pied.

Après cela, il suffit d’annoncer que le syndicat leur reversera : 18.00 euros, pour faire rentrer tout le monde à la niche.

Il ne faut, en effet pas être grand clerc (ou petite souris) pour deviner les discussions quand le salarié de retour chez lui l’annoncera aux membres de sa famille. Pour des foyers (consciemment ou non) surendettés le manque à gagner sera un frein définitif à rejoindre le collectif de grève.

… il y a caisses et caisse.

Le Syndicat Unifié du Bâtiment (rp) de la CNT-f dispose d’une caisse de grève, pour répondre à son premier objectif : le renforcement de la conscience, et de la combativité, de classe par la mutualisation des moyens de la lutte contre le patronat.

Une caisse de solidarité à chaque échelon (section, syndicat local, fédération d’industrie) pour en garder le contrôle au plus près des adhérents.

Le syndicat indemnise chaque adhérent du syndicat (qu’une section SUB-CNT existe ou pas dans l’entreprise), à la hauteur du smic, dès le premier jour de grève.

Nos Sections d’Entreprises constituent donc aussi une caisse de grève à partir d’au moins trois sources qui sont :

  • Une partie des cotisations . Une partie conséquente de la cotisation est gérée directement par le trésorier de la section. (pour les sections de plus de 10 adhérents ou les entreprises de plus de 50 salariés)
  • Une partie des gains des articles 700. Dans sa pratique syndicale la section met directement aux prud’hommes l’employeur qui refuse la négociation, les gains en article 700, qui ne servent pas à rembourser les frais juridiques, sont reversés dans la caisse de grève (sur le principe : c’est le patron qui finance la grève).
  • Une fête annuelle

Soit directement si l’entreprise est importante, soit simplement un stand lors de la fête annuelle du syndicat local.

Répartition du soutien

La caisse de grève de la section d’entreprise ne peut souvent, à elle seule répondre à la sollicitation d’un conflit qui dure.

D’autre part les salariés engagés dans le conflit peuvent ne pas tous être adhérents du syndicat.

Le montant de la solidarité issue des caisses de grèves régionales, fédérales ou corporatives est établi sur la base des syndiqués déclarés à ces instances, mais la gestion finale de ces fonds sera laissée à l’appréciation de la section locale qui les répartira à sa convenance (soit directement à l’adhérent, soit en alimentant la caisse de solidarité du collectif de grève).

La solidarité doit aussi rapidement être effective au niveau régional par l’action du Syndicat local et de la Chambre Syndicale de Branche. Cette dernière recueillera auprès des adhérents de la branche les « heures de solidarité » (versement obligatoire de soutien versé par chaque salarié de la branche concernée, défini en heure, par jour, semaine, mois).

La fédération apporte son soutien à partir du 9ème jour de grève à partir d’un accord du Conseil Fédéral un mois avant le démarrage du conflit (sauf cas d’urgence comme licenciement abusif / Accident, …)

Elle organise l’appel à la solidarité confédérale à partir du 15ème jour de conflit.

Elle organise l’appel à la solidarité internationale à partir du 30ème jour de conflit.

La grève, comme un moment d’éducation populaire

Pour certains adhérents surendettés ou disposant normalement de salaires plus importants que le Smic, le versement d’une indemnité calculée sur le Smic journalier peut paraître insuffisante pour « remplir le frigo ».

La consommation est aussi un axe de combat du syndicat. Considérant la double exploitation que subissent les salariés, comme producteurs et consommateurs, le syndicat s’appuie sur ces moments de lutte pour que l’on puisse s’interroger collectivement, mais aussi individuellement, sur ce second plan de l’exploitation capitaliste, qu’est la consommation.

Sur le modèle des soupes communistes organisées par les syndicats (dans la première moitié du XXème siècle), le syndicat propose la mise en place de magasins solidaires qui promeuvent une alimentation équilibrée et saine, un rapport à la consommation maîtrisée, et une ouverture sur des loisirs collectifs porteurs des valeurs qui nous animent.

Quand les conseilleurs … sont les payeurs

A tous ceux qui voudraient mettre en accord leurs idées syndicales et révolutionnaires avec leurs pratiques, nous ne pouvons conseiller que de rejoindre une véritable organisation syndicale d’action directe… où même en grève on touche l’intégralité de son salaire.

Dans le BTP, nous n’en connaissons qu’un c’est le : SUB-SUB-SUB ! C.N.T. !


[2Salvador Seguí Rubinat (1886 /1923)

Peintre en Bâtiment, connu sous le nom El Noi del Sucre ("Le gamin du sucre"), parce qu’il avait pour habitude de manger seuls les sucres qu’on lui servait avec le café, il fut l’un des principaux leaders de la Confédération nationale du travail, anarcho-syndicaliste en Catalogne au début du XXe siècle.

Le 10 mars 1923 à midi, il fut assassiné Carrer de la Cadena, à Barcelone, par des hommes du Sindicat Lliure du patronat catalan.

[3La loi Ollivier (25 mai 1864)

Proposée par le député-rapporteur libéral Émile Ollivier elle modifia les articles 414, 415, 416 du code pénal et abolit le délit de coalition, dont résulte l’abrogation de la loi Le Chapelier du 14 juin 1791.

Le nouvel article 414 mentionne : « Sera puni d’un emprisonnement de six jours à trois ans et d’une amende de 16 fr. à 3 000 fr, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque, à l’aide de violences, voies de fait, manœuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d’amener ou de maintenir une cessation concertée de travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail. »

Sous respect de conditions, la grève devient possible. Cette loi, comme le financement du déplacement d’une délégation d’ouvriers à l’Exposition universelle de 1862 à Londres, manifeste d’une volonté de Napoléon III de créer un lien entre le régime et les ouvriers.

[4La loi Waldeck-Rousseau (21 mars 1864)

est relative à la création des syndicats professionnels et porte le nom du ministre de l’Intérieur républicain Pierre Waldeck-Rousseau qui la fit voter. Elle autorise la mise en place de syndicats en France, abroge la loi Le Chapelier et fixe leurs domaines de compétence. Ce texte vise tous les groupements professionnels et non les seuls syndicats de salariés.

Elle fait suite à la loi Ollivier du Second Empire du 25 mai 1864 supprimant le délit de coalition.