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Crosses en l’air...biodegradables

vendredi 12 septembre 2014, par SUB-TP-BAM RP

C’est à la faveur de l’été que se font les coups dans le dos gouvernementaux. Cet été 2014 ne dérogera pas à la règle.

Présenté en juin, le projet de loi rectificative du budget est en cours de validation en juillet. Il a été rejeté au sénat le 21 juillet mais il devrait être passé en force à l’assemblée nationale.

Suppression de crédits verts...

Dans cette rectification, nous découvrons que 250 millions d’euros vont être réaffectés du budget du ministère du développement durable vers celui de la Défense :

  • 170 millions d’euros seront fusillés de la recherche pour la transition écologique et énergétique
  • 50 millions seront sabrés du programme « villes et territoires durables »
  • 30 millions seront bombardés hors du programme « innovation ».

Cette ré-affectation des crédits par le gouvernement n’est pas neutre. Elle sous-tend une idéologie militariste prioritaire sur les politiques écologiques en faveur des populations. C’est une reproduction de la politique américaine sous Georges Bush à la française, une politique de croissance par la guerre.

Les crédits supprimés du ministère du développement durable seront affectés à la recherche militaire. Ce ne sont donc pas les armées qui recevront les crédits mais bien les marchands de canons. Nul doute pourtant que la justification de ces dépenses sera faite sur fond de discours compassionnel sur la mort des soldats.

Le gouvernement Valls fait le choix de travailler avec l’industrie de la mort au lieu de travailler à la recherche pour la vie.

Même si notre section syndicale n’est pas en accord avec l’ensemble des projets du ministère, nous croyons aux fondements d’une société plus écologiques. Nous considérons que le plus ridicule des projets verts vaudra toujours mieux que le meilleur projet kaki.

Ce choix budgétaire va coûter de nombreux postes au ministère du développement durable que l’on peut considérer actuellement en cours de démantèlement. L’état s’ampute de ses moyens de recherche écologique en toute conscience et casse son thermomètre écologique. Comme à son habitude, l’administration centrale du ministère du développement durable a réagi à ce choix budgétaire par une rafale de communication vers les agentes et les agents sur l’importance de la « transition écologique ».

Sans argent, sans effectifs, sans volonté du pouvoir sur ce domaine, il sera ardu de faire passer la pilule de ce désengagement de l’état de l’avenir de la planète et de sa population. Plus que jamais l’écologie en paroles est contredite par les actes gouvernementaux.

Pourquoi l’armée demande toujours plus d’argent ?

L’ensemble des programmes militaires actuels découlent du format d’armée décidée par le gouvernement Sarkozy en 2008, une armée sur-équipée dans les dernières technologies, une armée misant sur le matériel à tout prix et son renouvellement perpétuel. Cette vision fait la part belle aux profiteurs de guerre. Le gouvernement Hollande pérennise cette course à l’armement en 2012.

Le financement de cette armée avait été en grande partie adossé à la vente des avions Dassault Rafale. Son échec commercial n’a pas conduit à réduire les exigences du programme militaire, on demande donc à la nation de passer à la caisse.

Le budget alloué au Rafale constitue une majeure partie des dépenses militaires françaises. [1]

  • 1,115 milliard en 2010 (101 millions par avion)
  • 1,141 milliard en 2011
    (103 millions par avion)
  • 1,575 milliard en 2012 (143 millions par avion)
  • 1,209 milliard en 2013 (109 millions par avion)
  • 1,019 milliard en 2014
5 crashs, 2 accidents.

Ce Fer de lance de l’industrie de la mort aéronautique française est à rapprocher du programme américain Join Strike Fighter(JSF). Basés tout les deux sur « l’excellence technologique », ces programmes sont des gouffres financiers incohérents tactiquement [2].

2016 sera l’année critique pour le rafale. Pour essayer de vendre son avion de luxe dont personne ne veux plus, Dassault le présente maintenant accompagné du dernier gadget à la mode sur la scène militaire, un drone de « combat ».

La france ne possède pas de drones de combat et bien sur, Dassault est là avec son programme nEUROn. 400 millions d’euros de la direction générale de l’armement ont déjà été dépensés dans son développement en dehors des prévisions du livre blanc des armées. Voici ce qu’est le programme de recherche de l’armée qui nous siphonne notre Grisbi.

Nous n’aurons jamais assez de mots assez durs pour fustiger ces tueurs à gages volants. Ils sont moins un matériel militaire que la possibilité offerte au pouvoir exécutif de mener des exécutions arbitraires hors territoires sans aucun contrôle démocratique. Au nom d’une justification morale pas très nette [3].

Un détail qui replace l’univers du drone dans sa petitesse : leur acronyme est MALE (moyenne altitude, longue endurance). Le drone, un état d’esprit sous la ceinture.

La première conclusion que nous pouvons en tirer est que la France n’a pas de problème de financement de son armée. Elle a un problème avec la société Dassault. La question de ce transfert de crédit n’est pas la sauvegarde de l’armée mais bien un cadeau de l’état à une société privée en dehors de toutes règles de marché public imposant son profit aux politique.

Au sénat, son principal actionnaire, Serge Dassault n’en finit plus de se plaindre des impôts, rêve de mettre fin à l’impôt, à la fonction publique, aux 35h. Mais pas un mot sur sa rente d’état plus que fructueuse.

L’armée, pollueuse muette

Quitte à capturer les crédits de l’écologie, l’armée aurait pu s’en servir pour dépolluer ses sites. Rien. Même ses recherches conduiront à plus de pollution. Exemple avec le projet FELIN, vous prenez un fantassin, vous l’équiper de gadgets électroniques, de 50kg de piles et vous obtenez un Félin plus proche du chat en sur-poid. Ce système a été testé en Afghanistan et si on lit en travers la prose militaire, il ne paraît pas concluant en l’état mais la prochaine version, celle légère mais à quatre fois le prix sera mieux. Et la tenue FELIN sera livrée en camouflage rose et bleu. FELIN, le premier système électronique qui fonctionne mieux déchargé...

Ce genre d’équipement a un impact collatéral sur d’autres équipements encore plus cher. En effet une compagnie doté du FELIN pèse 8,4 tonnes, contre 5,4 tonnes pour une compagnie qui n’en est pas équipée. Cela signifie que pour une compagnie de parachutistes FELIN, il faut non plus 2 mais 3 avions de transports.

Mais un plus gros scandale concerne la direction générale de l’armement (DGA), il s’agit de la destruction des munitions immergées. Résidus des dernières guerres, des tonnes et des tonnes de munitions non tirées ont été abandonnées au fond des mers. Il ne s’agit pas ici de trois caisses de cartouches dont il est question mais de plusieurs milliers de tonnes de munitions et d’armes chimiques.

Il a fallu après-guerre procéder à la disparition des stocks en surplus. Au fil des années, les emplacements d’immersion ont été « oubliés » par la DGA alors que ceux-ci sont proches des cotes [4]. Ces décharges militaires n’apparaissent dans aucun des plans d ’écologie et cette question a été évacuée du grenelle. La question n’apparaît pas non plus dans la directive cadre sur l’eau.

Le dépotoir militaire maritime est aussi contemporain.

C’est ainsi que du gaz moutarde de la première guerre immergé remonte à la surface de par la dégradation des contenants (80 ans en moyenne) et de l’activité humaine marine.

De son nom scientifique, l’yperite est aussi un produit hautement cancérigène qui contamine la chaîne alimentaire. Les munitions quand à elles, diffusent leur plomb et mercure (plus d’autres produits chimiques) contenus dans les poudres et amorces en produisant la même contamination.

Toutes munitions restent dangereuses, celles chimiques encore plus car les composés mortels sont toujours actifs comme à leur fabrication. De nombreux pécheurs en font l’amère expérience en remontant ces bombes dans leurs filets. Ces bombes font encore de nombreuses victimes de nos jours. Pour ces bombes, la guerre n’est pas finie et le seul réflexe à avoir devant ces saloperies est de se tirer et de les signaler à la gendarmerie.

Peu de monde s’intéresse à ce sujet mais il est en train de devenir un problème majeur de nos littoraux. Et après le littoral, du travail de dé-pollution attendrait encore l’armée sur terre. Il faudrait qu’elle s’occupe des champs de bataille à commencer par ceux de la première guerre mondiale en cette période de centenaire et aussi des immersions dans les lacs.

Les dernières vacances organisées par le syndicat pour ses adhérents a eu lieu en baie de somme. Nous étions loin d’imaginer à l’époque que la baie avait été, avant interdiction, le champ de destruction de ces vieux obus récupérés de ces fosses à munitions (la pétarade en langage militaire).

Voici le cadeau empoisonné de la pollueuse muette aux générations futures, un danger toujours actifs 100 ans après. En faisant le choix de l’armée en priorité sur l’écologie, le gouvernement Valls tourne le dos à ces générations futures.


[1A titre de comparaison, le programme de sous-marins nucléaires français arrive en deuxième position pour 600 millions annuels.

[2En août 2000 la RAND Corporation mena une étude simulant un conflit opposant des appareils de combat de type JSF à un adversaire équipé d’avion Soukhoi de génération précédente. Le rapport concluait qu’en situation d’infériorité numérique, le JSF, si évolué technologiquement qu’il soit, avait de très fortes chances d’être dominé par ses adversaires.

[35% des tirs de drones sont des victimes civiles formellement identifiées.

[4Un des bateaux chargé de la besogne a sauté tuant tout les marins. Ces bombes sont si instables que leur largage à la mer était fait au plus vite.