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Non à la déqualification par la démarche qualité

mercredi 25 mai 2016, par SUB-TP-BAM RP

Le Document d’Orientation Stratégique de la DRIEA-IF est une grande messe donnant les orientations du management de la direction pour 5 ans. Cachée derrière une construction pseudo-participative, se trouve l’application par la force de la démarche de standardisation (appelée par les managers gestionnaires, "démarche qualité"...) remettant en cause de nos métiers et nos qualifications.

La section syndicale CNT-SUB-EAL a retroussé ses manches pour chercher à comprendre le fond du dossier de ce nouvel outil stérile de direction, considérant que ce projet de management et d’organisation, même s’il est ridicule dans la forme, annonce des régressions d’importances dans le fond des métiers et dans notre relation au travail.

Ce document participe à la déqualification professionnelle et cherche à remettre en cause l’idée que l’on se fait d’un service public. Derrière l’enrobage sirupeux sur les valeurs du services public et ses missions, le document d’orientation stratégique est un outil capitaliste de destruction de ce service public.

Nous nous sommes appuyés sur plusieurs textes pour l’analyse de la démarche de standardisation [1].

Aux États Généraux de la santé des travailleuses et des travailleurs, nous avons échangé sur la démarche qualité et son rôle avec des médecins du travail et d’autres syndicalistes. Nous appuyant sur les derniers travaux de Danielle Linhart sur le taylorisme nouveau genre [2], nous avons souligné les enjeux bien présents dans ce texte organisationnel au travers d’un tract.

Contrairement à nos précédents tracts, ce n’est pas une vulgarisation mais un texte sur comment on attaque le professionnalisme dont on doit garder fierté, s’adressant aux agentes et agents qui ont une réflexion sur leur métier et analyse le déclassement professionnel dont ils font les frais à petites touches.

Notre réalité quotidienne rejoint la caricature

Des courbatures dans le D.O.S


La révision stratégique de la DRIEA s’achève par la rédaction d’une nouvelle version du D.O.S [3]). Management « participatif », coachs, adhésion aux « valeurs », questionnaire, la batterie de l’acceptation a pilonné le personnel.

Aucun membre de notre section syndicale n’a collaboré à cette mascarade de participation. Celle-ci ne servait qu’à légitimer sur le papier la mise en œuvre de la démarche de standardisation dite « démarche qualité » à la DRIEA, décidée et imposée unilatéralement par la direction dans le cadre de la stratégie globale.

L’organisation du travail derrière cette démarche de standardisation est celle d’une idéologie gestionnaire et taylorienne. Elle rompt avec les modes de fonctionnement professionnels en usage à la DRIEA.

Des aspects contradictoires mais un même but

Beaucoup d’entre-vous n’imaginent pas la proximité entre le management à la DRIEA et le taylorisme d’usine. Pourtant mal-gré des aspects contradictoires apparents, avec d’un coté ce taylorisme industriel qui est une déshumanisation systématique des travailleurs et de l’autre, sous couvert de modernisation du management et de l’action publique, une sur-humanisation, une psychologisation des relations de travail [4], il existe bien une même orientation qui est la négation totale de nos métiers et de nos expériences professionnelles.

Comme à l’usine, cette négation est la base d’une domination pour nous obliger à travailler selon les critères de rentabilité et de productivité imposés par la direction et non plus selon nos règles, savoir-faire et valeurs professionnelles.

L’enjeu de cette nouvelle organisation du travail est donc la dépossession totale de notre métier. Or il ne faut jamais perdre de vue que détenir un métier permet de défendre une idée différente du service public et même de défendre l’intérêt d’une mission de service public.

Ce D.O.S vise à nous empêcher de réfléchir notre métier et au sens que nous voulons donner à notre travail, à notre place dans le service public. Il nous inscrit, comme le préconise le secrétariat général avec #culturetransition, dans une démarche de simple exécution. Le but étant d’empêcher les déviances vis-à-vis des objectifs de l‘administration centrale.

La sur-humanisation du D.O.S

Le D.O.S vise à substituer l’autonomie que nous apporte la possession de nos métiers par une prescription visant à s’approprier notre humanité. Pour susciter une adhésion sans conditions au projet de la direction, le D.O.S encense nos qualités spécifiquement humaines, s’adresse à nos émotions, nous décrit en tant qu’hommes et femmes.

Mais ce document ne veut pas voir le professionnel qui est systématiquement effacé, il ne veut pas nous voir en agents ou agentes de métier, acquérant de l’expérience professionnelle pour contribuer à la définition de notre travail en lui rendant sa finalité sociale.

La possession d’un métier permet d’aborder avec recul les tâches à accomplir alors que le registre du sentimentalisme utilisé dans le D.O.S ouvre la porte à toutes les manipulations, les adhésions subjectives, les fusions affectives avec les objectifs de direction.

Les managers (et les coachs) ont donc eu pour but de nous parler de réalisation de soi, nous inspirer confiance, nous motiver en faisant du storytelling managérial pour chercher à nous rendre dévots de la DRIEA – pour nous enrôler en même temps qu’ils s’enrôlaient eux-mêmes en racontant ces histoires.

Le sens du travail a été scénarisé dans le management participatif du D.O.S au lieu d’être produit par nous. Dans cet univers régi par l’affect, la critique des projets managériaux ou le simple débat ne sont plus pensés comme la confrontation de points de vue rationnels entre experts de leur travail, mais comme de la défiance ou de la trahison. La trace la plus concrète de cette défiance managériale est la confiscation de notre parole de professionnels à la DRIEA. L’encadrement supérieur s’est arrogé un monopole du discours vers l’extérieur, nous avons de moins en moins accès aux informations des réseaux professionnels [5]. Ce management entend également contrôler le discours interne à plus ou moins longue échéance.

Le conflit et le compromis sont disqualifiés, renvoyés au rang des archaïsmes. L’adhésion est la seule voie légitime d’implication au travail, ce qui révèle la manière autoritaire dont la DRIEA s’arroge le sens du travail. La démarche D.O.S est l’outil de cette autoritarisme.

Le règne de la confusion

Le D.O.S se caractérise par un flou et une surabondance de lignes directrices. Il s’agit de nous perdre dans un dédale de contre-sens. Si le D.O.S ne projette pas d’horizon, c’est voulu. Il ne s’agit plus pour la direction de nous enchaîner à notre poste de travail pour nous contrôler comme Charlot dans les Temps Modernes. Ce contrôle s’est sophistiqué et engendre de la confusion. L’intérêt de la direction est que nous soyons plus à l’aise dans nos métiers pour éteindre les revendications professionnelles.

Il s’agit donc de déstabiliser en profondeur nos repères professionnels au travail par tous les moyens. L’irruption de la notion de client dans le D.O.S, l’individualisation de l’évaluation dépassant les qualités professionnelles pour juger des qualités humaines, l’individualisation des rémunérations pour casser le collectif de travail, la non-définition des fiches de postes, les modifications incessantes dans les commandes, la casse de l’outil informatique participe à cette déstabilisation des métiers.

Et nous ne parlerons pas des concepts d’avenir qui circulent au sein du ministère et sont oubliés en moins de 5 ans.

Le retour du découpage du métier par le processus forcé

Dans ce changement permanent où nous sommes plongés de manière délibérée par la direction [6], nous devenons fragiles. Sans repères, nous naviguons de manière systématique entre apprentissage et dés-apprentissage et nous sommes forcés de nous raccrocher aux méthodes standards, aux procédures voulues par la direction comme à des bouées de sauvetage.

Le D.O.S met en œuvre ces bouées dans sa démarche de standardisation (la démarche qualité) qui requièrent d’abandonner son métier pour devenir exécutant. Dès lors, nous ne pourrons plus marquer de notre empreinte professionnelle notre travail.

Nous pouvons l’empêcher.

La première mesure sera la défense de nos métiers

  • en développant nos propres points de repères de nos métiers
  • en remettant en cause les processus imposés par la direction en leur opposant leurs incohérences professionnelles
  • En refusant les outils de reporting de la démarche qualité

La seconde mesure portera sur le D.O.S en lui-même. Alors que la nouvelle organisation du travail inscrite dans le D.O.S prévoit de modifier fortement les conditions de travail sur l’ensemble des postes dans nos services et d’augmenter les normes de productivité, nous constatons qu’aucune évaluation de son impact sur les personnels n’est faite, qu’elle n’est pas présentée en comité d’hygiène, sécurité et conditions de travail parce que la direction prend soin de ne pas modifier les
structures des services pour l’éviter, qu’aucune précision n’est apportée aux instances de dialogue social quant à son déploiement et que l’ensemble du projet n’est pas porté à connaissance des instances de représentativité.

Cette manière de morceler une réorganisation de la part de la direction pour ne pas remplir les obligations légales de prévention envers la santé des personnels démontre que celle-ci connaît déjà le caractère nuisible de son projet. Des changements d’organisation du travail importants sont programmés et la direction entend les dissimuler.

Nous invitons les syndicats de la DRIEA à s’associer à une procédure juridique d’annulation du D.O.S et des projets de service sur la base du non-respect de la réglementation en matière de changement de mode de travail de la part de la direction.

Nous appelons les élus du CHSCT en parallèle à se saisir de leurs prérogatives d’investigation en commissionnant une expertise sur les conséquences de ce projet basée sur la démarche de standardisation et le contrôle.

La section syndicale refuse le carcan individualiste et trompeur qui s’apprête à se mettre en place à la DRIEA dans le cadre du D.O.S. Notre syndicat défend le professionnalisme et le travail d’équipe. Nous ne nous laisserons pas déqualifier. Nous dénonçons la dégradation des conditions de travail des agentes et agents de la DRIEA programmée dans cette nouvelle organisation du travail et préparons des moyens de défense collectifs permettant de nous y opposer.


[2

[3Document d’Orientation Stratégique

[4Dont l’élément le plus apparent est la hotline « risques psycho-sociaux »

[5Par la gestion de la participation à ces réseaux qui relevait avant d’initiatives professionnelles

[6Voir le cas d’école du rôle de la direction dans la casse des services aménagement