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Langue de bois : être armé.e face aux managers

mercredi 9 août 2017, par SUB-TP-BAM RP

On dénonce de plus en plus la langue de bois pratiquée par nos managers et autres chef.fes préféré.es. Et surtout, certain.es s’attèlent à expliquer en quoi cette langue constitue un outil de domination maîtrisé par les puissant.es.

Quelques travaux pour y réfléchir, en libre téléchargement et lecture sur cairn.fr :

  • Aubert Nicole, « Le management à l’ère du capitalisme financier : un management hors sujet ? », Nouvelle revue de psychosociologie, 2012/1 (n° 13), p. 17-30.
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  • de Gaulejac Vincent, « Management, les maux pour le dire », Revue Projet, 2011/4 (n° 323), p. 61-68.
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  • Extrait du spectacle "Incultures" par Franck Lepage
  • Documentaire radio avec la coopérative d’éducation populaire L’Orage "Se désintoxiquer de la langue de bois"
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Cet article a pour but d’aider celles et ceux qui n’ont pas l’habitude d’évoluer au milieu de cette langue de haute voltige pratiquée par des volailles d’en haut, ceux qui se nomment eux-mêmes les « décideurs ». Belle très basse cours de perroquets plutôt qui caquètent des âneries.

Premier point à retenir :

Si l’on ne comprend pas ce qu’iels disent, ce n’est pas parce qu’on est bête, c’est parce que leurs propos sont bidons et stupides. On pourrait aussi dire que tous ce qu’iels disent est nul et hors propos mais il faut quand même identifier simplement les quelques mots dépotoirs que ces petit.es marquis.ses poudré.es et perruqué.es nous sortent pour nous enfumer et nous mépriser. Et ainsi, l’on pourra vraiment entendre leur médiocrité qui se la joue quand iels donnent leur représentation dans une salle remplie de la cadreture clonifiée ou vous avez été convié pour faire figurant du peuple. Parce que dans ces réunions, vous ne croisez comme le disait Hocquenghem, qu’une seule sorte d’intello : l’intello flatteur du prince.

Deuxième point à retenir :

Un.e chef.fe ne te parle jamais. Même quand iel dit bonjour, iel te crache dessus. Comme disait l’autre à Sarkozy : « Parles-moi pas, tu me salis ». Que c’est bien vrai. Si à la rigueur, tu es persuadé que ton.ta chef.fe est une personne humaine et compréhensive qui jamais de la vie imaginerait cracher sur ses agent.es, dit-toi que te dire bonjour est un outil managérial qu’on leur a appris en formation pour devenir de bon.nes décideurs encadrants.
Le langage est un outil de pouvoir. On t’a dit bonjour et on te traitre avec respect ? Tu ne peux alors plus te permettre de critiquer les décisions prises parce que tu saperas la bonne ambiance qui imposée par l’équipe encadrante. Qui aurait envie de passer pour celui qui gâche un bon repas de famille ? Mais en vrai, n’est-ce pas normal de traiter tous les êtres humains avec respect ? Nous voulons voir notre professionnalité respectée.

Cet article vise également à la catharsis. En couchant sur le papier tous ses petits bouts de phrases pêchées en réunion, en rendant compte du non-sens que personne ne semble remarquer, nous espérons y échapper, rester vigilant.es et ne pas faire de ce langage le nôtre.

Cet article vise également à être ludique, sorties de leur contexte, certaines remarques sont particulièrement drôles. Les phrases qu’ils recasent en toute occasion :

  • « Je me permets de vous interrompre pour insister : les mots c’est très importants ». Oui, il parait que ça permet même de faire des phrases intelligentes. Il peut également être intéressant de remarquer que cette phrase a été prononcée par un directeur pour arrêter un échange technique.
  • « Il faut construire un outil d’observation au service de l’action »
  • « On va présenter des questions mais pas des réponses car les réponses sont extrêmement contextualisées ». A tester lors d’un concours ou d’un entretien embauche pour éviter de montrer qu’on n’a pas bûché son sujet ou qu’on ne sait pas de quoi ça parle.
  • « Dans le cas de plusieurs possibilités, le choix est possible ». L’homme est-il condamné à être libre ? L’homme est-il condamné à choisir ? Ne pas choisir est-ce encore choisir ? Nous ne nous poserons certainement pas ces questions en réunion.
  • « Il faut privilégier la visibilité partagée et prioriser itérativement ». Marche aussi avec : « il faut privilégier le partage itératif et la priorisation de la visibilité ».
  • « C’est ce que je dis depuis le début ». A recaser quand on a rien compris mais que quelqu’un a enfin prononcé quelque chose d’intelligent.
  • « Très honnêtement il faut que les projets s’articulent et la question est : par quel vecteur ? »
  • « Le marketage des données » /« On a brainstormé à bâtons rompus ». L’usage de mots qui n’existent pas, dérivés de l’anglais et dont ils existent des équivalents français, donne des points bonus.
  • « On a de la visibilité ? ». Marche aussi quand on gouverne un bateau.
  • « Vous ne vous rendez pas compte du travail de gestionnaire ». On ne peut donc pas juger de la médiocrité ou non de nos gestionnaires et décideurs et c’est bien ballot.
  • « Je vous assure de notre collaboration la plus entière possible ».

Les remarques crasseuses dont on se serait passé :

  • « Faite attention lors du déjeuner que nous prendrons dans cette très belle salle de réunion. La dernière fois on a même recruté un homme de ménage ». On espère qu’il a lui aussi apprécié la somptuosité de la salle.
  • « Tout ce qui n’est pas mangé est reversé à des asso ». Ouf si les pauvres mangent nos restes, on est serein. En espérant que ses restes aient été touchés par la grâce de tous les esprits vifs et intelligents réunis ce jour-là, ça permettra peut-être aux pauvres d’upgrader.
  • « Le marché se régule »
  • « Les locaux en rez-de-chaussée sont squattés par des associations ». Si même les associations déclarées en préfecture squattent des locaux, où va le monde ?
  • Au sujet des personnes seules au RSA : « ce sont des gens qui ont définitivement renoncé à l’emploi »
  • « Les charges liées au nettoyage ont également augmenté parce que les salaires ont augmenté ». Pas sûr que les camarades du nettoyage soient au courant.
  • « Les charges liées à l’eau sont devenues chères parce qu’on purifie de plus en plus l’eau ». Pas du tout en rapport avec une délégation aux entreprises privées qui n’entretiennent pas le réseau.
  • « Comment loger les classes moyennes, ça, c’est un vrai sujet ». Comment loger les plus démunis est un sujet beaucoup trop mainstream.
  • « Je ne prends pas du tout parti mais c’est l’entreprise qui dicte ses besoins ».