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Les gobeuses d’amiante d’hier et d’aujourd’hui

lundi 29 février 2016, par SUB-TP-BAM RP

Dans les mines d’amiantes

Dans les années 1880, au Québec comme dans la plupart des pays en cours d’industrialisation, un mineur de l’amiante ne peut généralement pas faire vivre sa famille avec son seul salaire. C’est pour cela que des enfants très jeunes [1] vont travaillent à séparer la fibre d’amiante de la pierre après son extraction (le scheidage).

Au moment où l’industrie de l’amiante commence à se mécaniser, les femmes mais aussi des filles [2] font leur entrée dans l’univers des mines en remplacement des enfants aux ateliers de scheidage. Cette tache désignée en anglais sous le terme de cobbing deviendra dans le langage populaire, le « gobage » (cobbing shed ou « shed à gober »). À mesure que le nombre de femmes augmentera, dans l’industrie de l’amiante, les ouvrières employées au cobbing, les cobbers féminins, finiront par être baptisées « gobeuses ».

Les gobeuses ont pratiquement toutes moins de vingt-cinq ans. Dans les mines d’amiante comme dans toutes les autres industries, les femmes reçoivent des salaires moindres que ceux des hommes et ne peuvent donc pas en vivre. À cette époque, on n’exerçait donc généralement le métier de « gobeuse » qu’en attendant de se marier et dans la société canadienne, il fallait se trouver un époux avant l’âge de vingt-cinq ans.

Sur les sols de bureaux

Dorénavant, l’extraction de l’amiante est interdite dans de nombreux pays. Les femmes ne sont plus productrices de ce matériaux. Mais elles gardent pour certaines encore quand même les mains dans l’amiante. C’est le cas des femmes de ménages

On peut noter la similitude de la situation sociale entre ces femmes d’époques et de pays différents, travail sur une tache dévolue par préjugé aux femmes et salaire insuffisant pour vivre.

L’exposition dans le nettoyage à l’amiante se fait par le frottement des surfaces de matériaux amiantées.

A l’occasion des débats autours du rapport d’information du 18 février 2015 fait au nom de la Délégation aux Droits des Femmes et à l’Egalité des Chances entre Hommes et les Femmes sur le projet de loi relatif à la santé, monsieur Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire général du Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail (SPNST), précisait que "en Seine-Saint-Denis, une étude de surveillance des cancers professionnels a été réalisée à l’initiative du groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle (GISCOP 93) et de l’Université Paris XIII.

Cette étude repose sur des tentatives de reconstitution de carrières de personnes atteintes de cancers du poumon afin de déterminer leur exposition professionnelle à des agents cancérogènes. Or cette étude montre une prévalence des métiers de la propreté – anciennement femmes de ménage – dans les cancers du poumon, qui est inexplicable par le tabagisme… Personne ne peut y apporter d’explication satisfaisante en raison de l’absence de suivi des risques professionnels encourus par les femmes.

Après recherches, il apparaît pourtant que l’utilisation des monobrosses dans le nettoyage et le ponçage de sol en plastiques, dans la composition desquels entrait de l’amiante, entraîne ou a entraîné une surexposition des femmes de ménage à de telles substances nocives. Or si l’on entend volontiers parler des risques encourus par les garagistes en raison des plaquettes de frein amiantées, il n’est jamais fait état des femmes de ménage ou des repasseuses exposées à l’amiante".

Mise en pratique syndicale

Dans les bâtiments de la direction régionale, nous avons des surfaces amiantées qui sont nettoyées. Au vu de cette étude, le risque d’exposition existe. D’autant plus que les derniers désamiantages ont eu lieu dans les toilettes.

La section CNT-SUB-EAL a donc saisi le comité d’hygiène et sécurité local du problème pour trouver une solution à cette situation.

Nous demandons :
 L’arrêt du nettoyage des surfaces incriminées,
 Un dépistage médical
 La mise en œuvre des fiches de pénibilité pour ces personnels montrant une exposition à l’amiante.

Nous attendons donc pour l’instant le retour de ce comité en espérant que les réponses de la direction seront à la hauteur de l’enjeu de santé. Nous laissons en effet toujours la possibilité à notre patronat de montrer qu’ils ne sont pas que des monstres.

A défaut de solution proposée, nous explorerons les moyens à disposition permettant de mettre un terme à cette exposition.


[1Au Québec, la Loi des manufactures de 1885 interdit aux patrons d’employer des garçons de moins de douze ans et des filles de moins de quatorze ans, mais cette loi ne s’applique que dans les usines.

La Loi des mines de 1892, quant à elle, se contente d’interdire l’embauche de garçons de moins de quinze ans dans les travaux souterrains : cette disposition ne touche donc pas les mines d’amiante, qui sont pratiquement toutes à ciel ouvert.

[2Le recensement canadien de 1911 signalera encore trois ouvrières en amiante âgées de dix à quatorze ans dans les ateliers