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En 2012, Le "magic mineral" contamine encore

Le caillou de la mort traverse les protections anti-amiante

vendredi 23 mars 2012, par SUB-TP-BAM RP

Le mépris de la vie humaine, et de ce qui fait sa particularité, est toujours l’apanage des patrons, des lobbys industriels et de leurs marionnettes ministérielles. Le scandale de l’amiante commence en France en 1906. 106 ans après et en dépit de son interdiction, l’amiante contamine toujours la population.

Les ouvriers du bâtiment chargés de son retrait sont une nouvelle fois en première ligne sur le front de la contamination.

En février 2009, l’AFSSET [1] incitait le gouvernement à prendre en compte la dangerosité des fibres "courtes" et "fines" d’amiante dans les études épidémiologiques en milieu professionnel.

Une de ses recommandations était "la réévaluation des équipements de protection collectifs et individuels pour apprécier leur efficacité".

Une étude sur ce risque a été réalisée par l’INRS [2] en 2010 et rendue publique en Août 2011. Monsieur Xavier Bertrand, ministre du Travail et de la santé est donc informé depuis sept mois que certaines fibres « fines » et « courtes » d’amiante, ne peuvent être écartées, par les protections actuelles, individuelles et collectives avant leur inspiration par les salariés oeuvrant au désamiantage.

Mais le gouvernement, une nouvelle fois, fait passer l’intérêt économique avant la santé de la population et n’envisage qu’un décret le 1er juillet 2012 applicable sur une période de 3 ans.

Dans un article de l’humanité Dimanche intitulé "Bombe mortelle à retardement dans le désamiantage"paru en janvier 2012, on apprenait que :

Le directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle reconnaît ces « niveaux d’empoussièrement d’une ampleur inattendue » et demande de « proscrire l’entrée en zone des agents de l’inspection du travail sur les seuls chantiers pour lesquels les masques à adduction d’air en l’état des connaissances actuelles, ne sont pas en capacité de réduire l’exposition des travailleurs en dessous de 100 F/L ». [3]

Le ministre des agents de l’inspection du travail leur a donc demandé, tant qu’il n’y aura pas de nouvelles protections sûres, de ne plus contrôler les chantiers de désamiantage.

Tant que de nouvelles protections fiables ne seront pas mises à disposition, des milliers d’ouvriers risquent leur vie sur ces chantiers.

Combien de cancers vont-ils encore se propager dans l’indifférence des candidats et profiteurs de « l’assiette au beurre » [4], et des médias qui leurs servent la soupe.

Quelle position ont les candidats à la présidence sur ce sujet ?

Qu’on fait les organisations syndicales membres de l’INRS depuis qu’elles connaissent ce risque ?

Qu’attendent les fédérations du bâtiment des organisations syndicales pour engager une campagne commune pour l’arrêt immédiat, sans perte de salaire, des chantiers de désamiantage !

APPLIQUONS NOTRE DROIT DE RETRAIT !

NOS VIES VALENT PLUS QUE LEURS PROFITS


Chronologie de l’amiante.

  • 1906 - Rapport inspecteur du travail faisant le lien entre l’amiante et la mort d’une cinquantaine d’ouvriers d’une usine de Condé sur Noireau.
  • 1918 - Refus des assurances américaines d’assurer les travailleurs de l’amiante.
  • 1931 - Découverte cancer amiante par des chercheurs
  • 1931 - UK première protection et ventilation des usines d’amiante
  • 1945 - Un tableau de maladies professionnelles dues à l’amiante est créé. Les employeurs ne peuvent prétendre ignorer les risques. Principe de la prime d’insalubrité.
  • 1946 - US première protection et ventilation des usines d’amiante
  • 1951 - Procédé de flocage sans amiante - Orly et le RER A seront les seuls grands travaux à l’utiliser car plus cher. Les inventeurs perdront le marché de flocage de l’institut du cancer à Lyon face aux industriels de l’amiante.
  • 1955 - Etude scientifique médicale faisant lien cancer du poumon et amiante. (Richard Dole)
  • 1956 - Rapport interne ferrodo-valeo recommandant la construction de ses usines d’amiantes loin des habitations au vu des risques de contamination.
  • 1965 - Fin des études scientifiques sur les dangers de l’amiante. Première mise en garde du nombre de victimes
  • 1971 - Campagne intensive de lobying des industriels de l’amiante. Discours sur la maitrise du risque.
  • 1973 - Incendie du collège pailleron, 16 élèves morts et 4 professeurs. L’amiante devient la réponse massive et unique au feu dans la construction.
  • 1973 - Premiers procès aux US et le bureau international du travail indique clairement les dangers de l’amiante.
  • 1975 - Une première mobilisation du personnel de Jussieu, autour du chercheur Henri Pézerat. Les journaux télévisés informent du risque de cancer lié à l’amiante, et du risque de décès, autour de l’actualité de Jussieu.
  • 1977 - Premières mesures de protection contre l’amiante en France. Fausses mesures car les normes d’exposition sont bien au dessus du niveau de contamination de l’amiante. Même en dessous de la norme, les ouvriers sont exposés au danger.
  • 1977 - L’amiante blanc est classé cancérogène en France (interdit depuis 1997). Les autres catégories d’amiante, classées cancérogènes CIRC sont également toutes interdites en France. Les industriels de l’amiante organise le chantage à l’emploi.
  • 1978 - Résolution européenne : L’amiante est un produit cancérigène dangereux pour la santé humaine et doit être interdite.
  • 1979 - Rapport de l’intitut national de la santé et de la recherche médicale : Le lien entre l’amiante et le cancer est démontré.
  • 1980 - Bruxelle abaisse les valeurs limites d’exposition aux poussières d’amiante dans les usines.
  • 1982 - La suède interdit l’amiante.
  • 1982 - Faillite de Johns-Manville Co, premier producteur d’amiante US, suite aux procès des ouvriers malades. Arrêt de l’usage de l’amiante aux Etats-unis.
  • 1982 - Le Comité Permanent Amiante (CPA) est créé. Un lobby est mis en place par les industriels de l’amiante et sous tutelle de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Il milite pour un « usage maîtrisé de l’amiante » jusqu’à sa dissolution en 1995. Le comité, dont le financement sera entièrement dépendant des industries, comprendra notamment des experts et des médecins du travail, ainsi que des délégués des principaux syndicats qui défendront longtemps l’usage de l’amiante au nom de la préservation de l’emploi.
  • 1983 - Nouvelle baisse européenne des normes d’expositions de l’amiante. 1986 - Les US confrontés à un nombre exponentiel de procès envisagent l’interdiction de l’amiante. Le CPA va intervenir dans les procès américains pour discréditer les victimes de l’amiante.
  • 1991 - la France est le premier importateur mondial d’amiante. Selon le Comité Permanent Amiante, seuls 200 décès par an sont liés au mésothéliome.
  • 1994 - la mort de six enseignants au lycée de Gérardmer (Vosges) relance le débat sur l’amiante et à Jussieu une nouvelle génération de chercheurs s’inquiète de la présence de l’amiante. Michel Parigot, responsable du Comité anti-amiante de Jussieu déclare : « Nous avons été confrontés au Comité Permanent Amiante, nous avons très vite compris que cette structure n’avait réussi à fonctionner aussi longtemps que parce qu’elle n’avait pas été dénoncée publiquement. C’est le genre de choses qui ne supportent pas la lumière. »
  • 1995 - L’amiante sort de l’usine. Le danger est avéré pour l’ensemble de la population. Les médias s’emparent du problème.
  • 1996 - le 19 octobre, Claude Allègre, ministre de l’éducation, dénonce un « phénomène de psychose collective ».
  • 1996 - L’Inserm révèle l’ampleur de la catastrophe sanitaire, estimant qu’elle pourrait faire 100 000 morts en France d’ici à 2025.
  • 1996 - Création l’Andeva, association nationale des victimes de l’amiante, à l’initiative de trois associations, ALERT (Association pour l’Étude des Risques du Travail, la FNATH (Fédération Nationale des Accidentés du Travail), le Comité anti-Amiante Jussieu. L’association facilite l’accès à la reconnaissance en maladies professionnelles et l’indemnisation des préjudices, y compris devant les tribunaux. Elle œuvre pour que soit réformée la législation de l’indemnisation, de la médecine du travail et de la prévention des risques en France. Elle milite pour une interdiction mondiale de la substance et un procès pénal de l’amiante.
  • 1997 - Le 1er janvier, l’usage de l’amiante est interdit, par le décret no 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l’amiante, pris en application du Code du travail et du Code de la consommation. La France est le huitième pays européen à le faire.
  • 1998 - le Canada attaque la France devant l’OMC. En 2001, celle-ci reconnaît que la santé publique justifie l’entrave à la liberté de commerce.
  • 1998 - le 18 décembre 1998, pour la première fois, la responsabilité de la Sécurité sociale est reconnue dans une affaire concernant les victimes de l’amiante. Le tribunal reconnaît la « faute inexcusable » de la société Everite et de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Gironde.
  • 1998 - Un Fond de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) est créé par la loi de financement de la sécurité sociale, les fonctionnaires en sont exclus.
  • 1998 - le Canada (2e producteur mondial) attaque la décisions française d’interdire l’amiante devant l’OMC
  • 1999 - directive européenne qui interdit l’amiante au 1er janvier 2005 dans tous les états membres
  • 2000 - un Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante a été créé suite à la loi de financement de la sécurité sociale.
  • 2002 - la norme AFNOR NF X 46-020 : Diagnostic amiante – Repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante dans les immeubles bâtis décrit la procédure de diagnostic à utiliser pour déceler la présence d’amiante dans les bâtiments construits avant l’interdiction totale de l’amiante en 1997. Les rapports du Sénat sur la question, en France, mettent en évidence le fait que si la réglementation existe, son application est très mal contrôlée : contrôles peu fréquents, sanctions peu dissuasives, sociétés de désamiantage perdant leur habilitation et qui renaissent sous un autre nom. Tout désamiantage ou démolition d’un bâtiment amianté doit faire l’objet d’un plan de retrait déposé à la Direction départementale du travail. En cas de désamiantage « sauvage », le recours consiste en un appel à l’inspection du travail pour faire cesser le chantier (constat d’amiante).
  • 2005 - Rapport du sénat. - une étude menée par l’inspection du travail, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) sur 784 chantiers de désamiantage en France a révélé que dans « 67 % des cas, des anomalies plus ou moins graves ont été constatées, donnant lieu notamment à 41 procès-verbaux, 84 arrêts de chantiers, 6 injonctions et 390 courriers d’observations ». L’étude équivalente menée en 2006 sur 936 chantiers a révélé que 76 % des chantiers de désamiantage étaient non conformes à la réglementation. Elle a donné lieu à 86 arrêts de chantier.
  • 2008 - Pour la première fois une entreprise (Alstom), et son directeur de site sont condamnés au pénal (tribunal correctionnel de Lille) pour avoir exposé leurs salariés à l’amiante.
  • 2009 - La fibre courte d’amiante mise en cause dans un rapport de l’AFSET.
  • 2009 - Guy Lefrand publie un rapport d’information de l’Assemblée nationale sur la Prise en charge des victimes de l’amiante, qui évoque notamment la surveillance médicale postprofessionnelle, le dépistage précoce et des « certificats d’exposition à l’amiante rarement délivrés », les médecins du travail rencontrant eux-mêmes « des difficultés pour remplir ces attestations ». Le rapporteur note aussi que les recommandations de la conférence de consensus de 1999 ne sont toujours pas suivies d’effet quant à l’examen de référence qui ne devrait plus être une radiographie, mais un scanner thoracique, alors que les progrès techniques (pet-scan ; scanner à très haute résolution) permettent de limiter l’exposition aux radiations lors de cet examen.
  • 2010 - La Haute Autorité de Santé (HAS) a organisé une Audition Publique sur le « Suivi post-professionnel (SPP) après exposition à l’amiante » avec comme objectif de faire un état des lieux des connaissances et d’émettre des recommandations destinées aux pouvoirs publics et aux professionnels concernant le contenu et l’organisation de ce suivi. La Commission d’Audition a constaté l’inadéquation des examens médicaux prévus par la réglementation pour le suivi post-professionnel après exposition à l’amiante. L’examen de référence désormais recommandé pour le diagnostic des pathologies pleuro-pulmonaires associées à une exposition à l’amiante est l’examen tomodensitométrique (TDM) thoracique (généralement appelé scanner). La Commission d’Audition recommande qu’un examen TDM thoracique soit proposé à toutes les personnes ayant été exposées à l’amiante de manière active pendant au moins un an. Cette proposition devra être accompagnée d’une information complète sur les bénéfices attendus et les risques encourus et permettant aux personnes de décider librement de bénéficier ou non de l’examen proposé.
  • 2011 - un décret restructure la part réglementaire du code de la santé publique relative à la prévention des risques liés à l’amiante dans les immeubles bâtis, pour mieux protéger les résidents ou personnes circulant ou travaillant dans des immeubles où de l’amiante serait présent.

[1Maintenant l’ANSES (L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail)

[2Institut national de recherche et de sécurité : Association paritaire oeuvrant sous l’égide de la caisse nationale d’assurance maladie.

[4Situation source de profits et faveurs pas toujours licites