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Des cercueils en contreplaqué pour l’emploi

samedi 8 septembre 2012, par SUB-TP-BAM RP

Les mois d’été ont été durs, en France, pour l’industrie du contreplaqué.

Après la liquidation, le 31 juillet dernier, de Xilofrance, qui employait 65 salariés à Damazan (Lot-et-Garonne), et son échec de transformer sur place la production pins et peupliers du massif des Landes de Gascogne, c’est au tour de Plysorol, l’ancien leader européen du contreplaqué (Lisieux, Fontenay-le-Comte et Épernay) d’être mis en liquidation. Créée en 1907, cette entreprise produisait du contreplaqué depuis 1912. On retrouve ses produits dans les planchers des TGV, les armatures de bateaux ou les bardages extérieurs et intérieurs, tels les 110 000 m2 de volets pour les quatre tours de la Bibliothèque nationale de France à Paris.

En mars 2009, la société, en redressement judiciaire, avait été rachetée par le Chinois Guohua Zhang, contre la promesse de maintenir les 450 emplois. Mais, contrairement à ses engagements, Plysorol dépose le bilan un an plus tard. Le groupe est repris en octobre 2010 par le Libanais Ghassan Bitar, qui procède cependant au licenciement de 151 salariés, ce qui n’empêchera pas la liquidation annoncée ces jours derniers.

Un arrière goût colonial

La "colonisation est fille de la politique industrielle" lançait ainsi Jules Ferry en 1885.

L’appétit de chinois ou de libanais pour les entreprises de contreplaqué moderne, produit inventé en 1884 lors du colonialisme, pourrait laisser songeur si l’on oubliait que la société Plysorol possède les droits d’exploitation de 600 000 ha de forêt au Gabon, via ses deux usines filiales Leroy Gabon (fondée en 1947) et Pogab (inaugurée en 2002). Ces forêts font, aujourd’hui, la richesse de la société et attisent l’intérêt de repreneurs successifs. Le Chinois Guohua Zhang, était déjà implanté au Gabon sur 500 000 hectares et le Libanais Ghassan Bitar, lui même au Ghana.

Chacun avait fait transférer aussitôt cette concession à son nom, et le gouvernement français dû intervenir pour remettre ce bien dans les avoirs de l’entreprise.

L’accaparement colonial des ressources naturelles de l’Afrique n’est pas fini. Le contreplaqué d’aujourd’hui remplace le bois "exotique" d’hier.

Débardage au tracteur-treuil d’une grume équarrie dans une clonie belge

Se tuer au travail

Si l’utilisation du bois en lame mince est connue depuis l’Égypte antique, le contreplaqué moderne a connu un fort développement entre 1912 et 1914. Les années 1920, période de reconstruction et de croissance, ont entraîné un besoin important de matières premières, et l’invention de nouvelles colles et de leur perfectionnement (1934) a généralisé l’utilisation du formaldéhyde dans la construction et l’ameublement.

La défense de la compétitivité au nom de l’emploi et la « ré-industrialisation » productive du gouvernement capitaliste actuel ne doit pas faire l’impasse au nom de la croissance sur la qualité de la vie et de la santé des travailleurs.

Le formaldéhyde est classé comme « cancérogène certain » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), car à l’origine de cancers du nasopharynx, des fosses nasales et des sinus et de leucémies.

L’exposition professionnelle au formaldéhyde concerne probablement plus de 200 000 travailleurs. Les plus importants sont les secteurs de la fabrication de panneaux de bois et les activités de soins, notamment celles en relation avec les opérations de désinfection de salles, de stérilisation de matériel d’examen médical.

Tous menacés

Dans un monde où la soif de consommer rend parfois peu sensible aux conditions de production, chacun doit prendre conscience qu’il est cependant lui-même exposé.

En effet, 50 % des logements présentent des concentrations de formaldéhyde supérieures à 20 microgramme.m3, 5% d’entre eux enregistrant des concentrations supérieures à près de 50 microgramme.m3.

Alors que certaines études suggèrent que les concentrations de méthanal dans les bâtiments n’ont pas d’effet cancérogène, la France, pour se mettre en conformité avec le droit européen et les recommandations de l’OMS, envisage que dans certains établissements recevant du public (enseignement, accueil d’enfants de moins de six ans, établissements sanitaires et sociaux disposant d’une capacité d’hébergement, établissements sportifs couverts) une valeur-guide soit établie :

  • 30 μg/m3 en moyenne hebdomadaire à compter du 1er janvier 2015 ;
  • 10 μg/m3 en moyenne hebdomadaire à compter du 1er janvier 2022.

En 2009, une association de médecins, avait testé des lits bébé vendus en grande distribution, qui tous émettaient un taux représentant plus d’un quart de la valeur toxique de référence. Or, les nourrissons sont les plus sensibles à ce type de pollution et restent dans leurs lits en moyenne 20 h par jour.

Solidaires, pour un changement … radical

Maintenant qu’il est devenu impossible d’importer des grumes d’okoumé (celles-ci devant être travaillées sur place), et que les risques de maladies professionnelles sont avérées que doit être la position des syndicalistes ?

Même si les ressources forestières nationales pouvaient permettre une reconversion des sites, la question de la filière bois et de l’utilisation de produits chimiques toxiques restent posée.

La défense des travailleurs ne doit pas, sous prétexte de sauvegarde de l’emploi industriel, se faire au mépris de la santé de tous.

Producteurs, distributeurs et usagers doivent ensemble lutter contre cette société de consommation à outrance qui nous fait sacrifier nos ressources naturelles, la qualité de notre travail et la santé de nos familles pour le profit meurtrier de quelques uns.