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Siéger au Comité d’Entreprise fait-il de nous des collabos ?

jeudi 29 janvier 2015, par SUB-TP-BAM RP

Dans le cadre d’une série d’articles à venir sur le travail syndical à engager au sein des Instances Représentatives du Personnel, nous débutons par un extrait de l’ouvrage : « Dans la mêlée sociale » de Nicolas Faucier (la Digitale Editeur - p.188).

La participation aux élections professionnelles et le fait de siéger au comité d’entreprise a longtemps agité le mouvement anarchiste. Il est à l’origine, comme la question des permanents syndicaux, de nombreuses prises de positions antagonistes, de débats violents et de scissions au sein même de la Confédération Nationale du Travail, se voulant l’héritière de la CGT-SR.

Nicolas Faucier [1], militant anarchiste, issue d’une militance syndicale construite, dans les années vingt, au contact de la vielle garde Syndicaliste-Révolutionnaire qui avait fait la gloire de la CGT d’antan, n’avait pas ces appréhensions. Sans masquer les risques de collaboration de classe, mais dans l’esprit toujours vivace de Fernand Pelloutier, il semblait considérer que chaque occasion de former des militants syndicaux à la gestion ouvrière devait être saisie.

Notre syndicat demeure dans cet état d’esprit.

Du rôle des comités d’entreprise

« De même sur mon lieu de travail, l’imprimerie de la presse, ayant été délégué au comité d’entreprise, j’en devins peu après le secrétaire. Mais je ne concevais pas mon rôle comme celui dans lequel aurait voulu me cantonner le paternalisme patronal, c’est-à-dire d’être admis dans cet organisme paritaire tout juste à titre consultatif et de gestionnaire des œuvres sociales : cantines, séjours de vacances, fêtes de fin d’année, voire bibliothèque d’entreprise, etc.

C’est la déviation dans laquelle sont tombés les délégués, qui prenant l’accessoire pour le principal, ne percevaient pas toutes les implication d’un contrôle efficace de l’entreprise. Une pratique qui exige une véritable formation économique ainsi que la connaissance du processus de l’exploitation capitaliste dont ils sont trop souvent dépourvus. Il n’est, certes, pas question de leur en faire grief, car leur bonne volonté n’est pas en cause, mais ce défaut de compétence montre l’ampleur de la tâche qui incombe aux syndicats à cet égard, eux qui voyaient à juste titre dans cette réforme une étape dans la réalisation de la démocratie économique et de justice sociale. Or nous sommes loin du compte, non seulement dans les faits, mais aussi dans les intentions. Il convient de rappeler que la création des comités d’entreprise traduisait l’une des revendications essentielles du syndicalisme dans les années 30 (surtout après juin 38) pour l’aboutissement du contrôle ouvrier sur la gestion patronale.

On a beaucoup médit du fonctionnement des comités d’entreprise et on a eu raison. Mais les responsables syndicaux n’ont-ils pas eux-mêmes trop longtemps laissé le patronat qui, prévoyant le danger de l’intrusion ouvrière dans ses affaires, à très habilement détourné la menace à son profit ?

Le texte institutionnel de l’ordonnance de 1945 ne disait-il pas expressément que le CE, « peut exiger un droit de regard sur l’organisation, la gestion et la marche de l’entreprise » ce qui signifie pour les organisations syndicales et les militants conséquents que le CE n’est pas seulement un appareil de gestion des œuvres sociales, mais le moyen de débusquer les plus-values et les dessous de table que s’octroient généreusement les managers et autres affairistes de l’économie et de la finance sur le dos des salariés et des consommateurs.(…)

Je conviens que ce n’est là que du grignotage, mais on ne saurait nier que, généralisé, cette tactique de harcèlement, de pénétration de la forteresse patronale serait génératrice d’actions offensives plus poussées au lieu de se complaire indéfiniment dans la défensive. C’est alors seulement que les CE, s’orientant vers l’extension de leurs pouvoirs d’investigation, ne mériteraient plus d’être taxés d’instruments de collaboration de classe, mais, au contraire, de lutte de classe œuvrant non pour consolider, mais démanteler les rouages, le mécanisme d’exploitation de l’entreprise. Il s’agit en l’occurrence de mettre à nu les éléments constitutifs du prix de revient en matière de fabrication, d’investissement, de fraix généraux, de salaires jusqu’au prix de vente, de manière à dégager dans sa totalité la marge bénéficiaire réelle et d’en finir avec les tromperies, les truquages de bilan qui sont l’ABC du métier d’homme d’affaires.

C’est en tout cas de cette manière que l’entreprise peut devenir le lieu où se fait, par là-même, l’apprentissage de la gestion ouvrière (…). Ce qu’il faut expliquer aux travailleurs, c’est qu’il ne s’agit là que d’une réforme dont l’objet est d’améliorer les conditions de vie et de travail à l’intérieur du système, mais qui doit orienter notre lutte vers le but final qui est la tranformation sociale par l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme. »

Extrait de « Dans la mêlée sociale », éditions La digitale


[1FAUCIER, Nicolas, Joseph. (1900 – 1992)

Nicolas Faucier

Sixième enfant d’une famille ouvrière qui en compta dix, après son certificat d’études, travailla comme mécanicien chez divers patrons. En août 1918, il s’engagea dans la marine.

En février 1919, affecté sur le cuirassé Lorraine stationné dans le Bosphore il prit part à des manifestations de solidarité en faveur des marins de la Mer Noire et, par mesure disciplinaire, fut embarqué sur un autre cuirassé.

Démobilisé en août 1921, Nicolas Faucier adhéra en 1922 à la CGTU, puis au groupe anarchiste d’Argenteuil.

Délégué au comité de l’usine Renault de Billancourt, organisateur d’un mouvement revendicatif il est licencié le 12 mai 1925. blacklisté il s’établit camelot.

Ne supportant pas la mainmise communiste sur l’organisation syndicale, il quitte la CGTU pour rejoindre la CGT (refusant la division syndicale augmenté par la création de la CGT SR)

DE 27 à 29 Faucier occupe le poste d’administrateur permanent du Libertaire ainsi que la gérance de la Librairie sociale,

En 29 il reprit son métier d’ajusteur-outilleur, milita à l’Union des mécaniciens de la Seine (CGT), au conseil syndical du XXème arrondissement de Paris, puis à celui de Saint-Denis, fut secrétaire du groupe anarchiste de cette ville ainsi que de la Fédération parisienne de l’UACR.

Après une période de chômage il n’hésite pas à fonder une section CGT chez Chenard et Walcker à Gennevilliers où il vient d’être embauché ; Au bout de six mois, il fut renvoyé pour s’être élevé contre un système d’amendes. Il connut de nouveau le chômage.

En juin 1934, il fut admis comme stagiaire au syndicat des correcteurs et débuta au Journal officiel. Le ler juillet 1935, il était admis définitivement à ce syndicat.

Lors de la guerre d’Espagne il participe à l’animation de la française de la Solidarité internationale antifasciste (SIA) dont Lecoin fut le secrétaire et Faucier le trésorier. Jusqu’à la guerre il mène une activité pacifiste qui le conduit en prison

Arrêté le 8 octobre 1939, il fut condamné à trois ans de prison pour insoumission, et maintenu administrativement en détention ; transféré au camp de Rouillé (Vienne) puis à celui de Neuville (Vienne), il s’évada en décembre et vécut dans la clandestinité jusqu’à la Libération.

En septembre 1944, N.Faucier reprit son métier de correcteur et se consacra à l’action syndicale.