Quelques nouvelles du boulot, où l’ambiance est assez particulière ces dernières semaines.

Notre collègue Abdoulaye est décédé à 62 ans suite à une hospitalisation subite il y a 3 semaines. Il ne cessait de penser à son retour au Cameroun après son licenciement, car avec les indemnités de licenciement, après d’apres négociations, et sa mise à la retraite vu l’âge qu’il aurait fin 2023, il avait prévu finir sa maison et tranquillement sa vie au pays. Il n’aura malheureusement fait que financer sa famille toute sa vie depuis l’Europe, avec ses multiples expériences professionnelles chaotiques, sans pouvoir en profiter lui-même.
Pendant les permanences sociales du CSE, je m’occupais de ses différents dossiers sociaux (demandes de logement, CAF, impôts, dossier de regroupement familial pour sa dernière femme et enfant...), ça nous avait pas mal rapprochés humainement parlant, et on déconnait tous les matins au vestiaire, ce qui le rendait un peu joyeux avant de prendre son sinistre poste d’opérateur de production. Sa disparition nous a toutes et tous plus ou moins atteints, je n’avais jamais vécu la perte d’un collègue de travail plutôt proche, eh ben c’est pas forcément facile à accepter...

Cette semaine, l’usine espagnole du groupe, qui va reprendre une partie de l’activité de l’usine ou nous travaillons, nous a envoyé 3 personnes pour observer nos procédés de fabrication et modes de production, les besoins en utilités (production de froid industriel, vapeur, eau glacée, fluides divers, gaz, etc), et la maintenance de nos équipements. C’est un peu perçu comme de la spoliation de savoir technique par plusieurs collègues, mais les visiteurs ne sont pas à l’aise car ils nous sollicitent forcément pour répondre à leurs interrogations (notamment ceux qui parlons espagnol !), et sont très gênés de la situation. On en profite pour leur dire que ce qui nous arrive, pourrait leur arriver, car ils ne sont pas non plus intégrés sous contrat groupe depuis leur rachat.

Dans 2 semaines, ce sera le tour de l’usine hollandaise, qui viendront observer, une partie de nos machines de production, qui devraient être transférées chez eux d’après quelques bruits de couloir officieux...

Sinon, les négociations avec la direction sont terminées depuis mi-février, l’AG des salarié•e•s ayant majoritairement accepté les dernières propositions (principalement financières), le plancher minimum négocié bénéficiant surtout aux collègues avec les plus petits coefficients, et aux moins anciens dont je fais partie, qui n’auront que 5 ans d’ancienneté au moment du licenciement fin 2023. Les plus anciens collègues bénéficiant de montants d’indemnités conventionnelle et complémentaire, beaucoup plus élevés, grâce à la part liée à leur ancienneté allant jusqu’à 35 ans, avec leurs salaires ayant évolué dans le temps comme base de calcul. S’ajoute un montant individuel pour financer une ou plusieurs formations de spécialisation, de reconversion, ou d’aide à la création d’entreprise.
D’autres aspects administratifs, un calendrier prévisionnel des étapes du transfert de la production, et la chronologie prévue des licenciements, ont été fixés en parallèle. Le sujet sera suivi lors de chaque réunion ordinaire ou extraordinaire du CSE qui continuera à informer et consulter le personnel régulièrement.

Les offres de reclassement internes (en province et à l’étranger !), et externes, nous seront proposées à partir du 2ème trimestre 2023, mais la plupart des collègues disent opter pour un refus, préférant bénéficier du montant des indemnités négociées et tenter de se reconvertir par la formation, mais aussi par manque de motivation de continuer à travailler pour un groupe qui détruit leurs emplois sans remords.
En attendant, un consultant d’aide à la reconversion, à la recherche de formations, d’offres de reclassement externes, ou d’accompagnement vers la retraite pour les plus âgés, à été mis à notre disposition depuis début mars. Ainsi qu’une cellule d’assistance et d’accompagnement psychologique, signe évident d’une conscience du groupe dévoué à leurs actionnaires, de la gravité sociale de leur décision de délocaliser la production d’une entreprise qui tourne depuis plus de 40 ans, mais que le groupe juge économiquement justifiée malgré leurs 7.5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel moyen, une croissance constante depuis + de 15 ans, et une rentabilisation de la production (oh pardon, plutôt d’une "optimisation" du point de vue de la direction ), par la fermeture régulière d’entreprises rachetées dans l’objectif de monopoliser le marché.

Nous avons émis (le CSE), un bilan-questionnaire individuel pour décider de la suite à donner après l’acceptation majoritaire de ces compensations jugées acceptables.
Nous y abordons l’organisation d’un évènement festif hors cadre du travail (idée du SUB) pour revenir sur l’action collective menée et ce qu’elle a apporté comme expérience à chacun•e, si elle a permis une prise de conscience de l’intérêt du collectif, de l’implication syndicale, de l’utilisation souhaitée de l’argent non utilisé de la caisse de grève, d’un souhait de contester collectivement le motif économique aux Prud’hommes, etc.
Eh ben à l’occasion de la diffusion du questionnaire, nous avons appris que certains avaient déjà récupéré leur argent (80 € par collègue), directement auprès de la mandatée "caisse de grève", sans avoir attendu l’avis de l’AG suite au retour des questionnaires ! Le CSE n’était évidemment pas informé... Bref !
Reste à voir ce que conclura l’analyse des réponses une fois tous les questionnaires restitués...