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LE CORPORATISME : UNE FAUSSE BONNE IDÉE

vendredi 23 avril 2021, par SUB-TP-BAM RP

Depuis décembre 2018 des cordistes se sont réunis au sein d’une association : « Cordistes en colère, cordistes solidaires » (1).
Cette association vient de lancer une campagne pour faire signer une convention entre Entreprises de Travail Temporaire visant à mettre en place une indemnité financière pour la fourniture par les intérimaires cordistes de leur KIT d’EPI.
A lire les commentaires laissés sur leur page facebook (2), certain•e•s (dont on ne sait jamais vraiment s’illes sont salarié•e•s ou patron•ne•s, pensent qu’il s’agit d’un mieux pour un bien.

Dans le désert syndical du BTP, il n’est pas étonnant que de telles initiatives puissent voir le jour. Le repli identitaire (quel qu’il soit), n’est jamais la preuve de conquêtes sociales, mais l’expression de la défense illusoire du pré carré de quelques un•e•s.

Cette fausse bonne idée part cependant d’un constat évident : bon nombre d’entreprises d’intérim, tout autant que d’entreprises utilisatrices ne respectent pas le code du travail qui selon l’article L. 4121-1 du Code du travail, indique précisément que l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Proposer que les salarié.e.s fournissent leurs propres EPI s’est cependant :
1. décharger les entreprises de leur responsabilité,
2. Participer au dé-tricotage du Code du Travail,
3. Porter la responsabilité de la sécurité sur des salarié•e•s déjà fortement précarisé•e•s,
4. En fait, faire le jeu du patronat.

C’est aussi a terme mettre en danger d’autres professionnel•le•s, auxquel•le•s• les mêmes entreprises d’intérim demanderont de fournir leur EPI.

Ce n’est malheureusement pas la première fois que la classe ouvrière est affectée par la mise en avant d’intérêts corporatifs particuliers allant à l’encontre de l’intérêt général de classe. Le syndicalisme naissant a dû, de la fin du 19ème siècle au début du 20ème, lutter contre les pratiques compagnonniques qui voyaient des corporations briser des mouvements revendicatifs et renforcer la collaboration de classe.

Sous le prétexte d’agir et de transformer immédiatement certaines conditions de travail, ils se retrouvent à promouvoir une collaboration pragmatique entre salariés et patrons. On ne fait pas avancer le droit, mais on le détruit aux moyens de « petits arrangements ».

On se rassemble alors, non sur l’utilité sociale de son métier et sa complémentarité avec d’autres métiers qui participent à la même œuvre commune, mais sur des spécificités, des savoir-faire et des rites qui dérogent à la règle commune, qui ne visent qu’a l’intérêt de ses pairs.

Il n’est pas étonnant de constater que la doctrine corporatiste s’est auparavant particulièrement développée, dans le contexte de la crise des années 1930. Des militants, divisés, plus ou moins influencés par le christianisme social et par des doctrinaires comme Albert de Mun et René de La Tour du Pin, préconisaient alors une troisième voie entre le libéralisme individualiste, alors en crise, et le marxisme. Si le régime de Vichy est particulièrement à l’origine d’expériences corporatistes (Charte du travail), on a aussi pu constater un nouvel essor des corporatismes depuis la crise des années 1970, concomitamment au repli général des acquis sociaux.

En France, des formes de corporatisme refont régulièrement surface dès que le droit du travail est sur le point d’être modifié, comme ce fut le cas avec les lois Auroux (1982) ou avec les réformes mises en place par Macron.

Nous appelons donc les cordistes :
• A ne pas soutenir à de fausses revendications, qui a terme ne profiteront qu’au patronat,
• A rejoindre les syndicats uniques du BTP (3), qui seuls sont à même de défendre l’intérêt de chacun•e dans le cadre de l’intérêt de tou•te•s.

(1) https://cordistesencolere.noblogs.org
(2) « je suis cordiste et j’ai des trucs à dire »
(3) Nos syndicats d’industrie mettent en œuvres des chambres syndicales internes permettant aux salarié•e•s d’une même corporation de se réunir de façon corporative pour élaborer les cahiers de revendication, d’organiser la défense au sein des entreprises, d’échanger sur les évolutions technologiques sans porter atteintes à l’intérêt général de classe.