Accueil > Dossiers du BTP > Corruptions & spoliations > Le scandale Nexcis - Le photovoltaique de demain à la poubelle des actionnaires

Le scandale Nexcis - Le photovoltaique de demain à la poubelle des actionnaires

lundi 31 août 2015, par SUB-TP-BAM RP

Nexcis, société française, voit le jour en 2009 de l’union d’EDF et de l’IRDEP [1], assise sur un matelas de 75 millions d’euros, dont un tiers pioché directement dans les fonds publics. Si notre syndicat du bâtiment s’intéresse à ce groupement, c’est parce que nous suivons l’évolution technologique des produits du bâtiment.

Nos métiers reposent désormais sur la capacité des bâtiment à produire leur énergie et l’application de panneaux solaires intégrés au vitrage des ouvrages, permettant leur indépendance énergétique de jour est une innovation importante.

Nous ne pouvons que nous réjouir que les fonds publics servent ce dessin d’autonomie dans le respect de l’environnement. Entreprise de pointe, 17 brevets déposés, les 77 salariés de Nexcis se retrouvent propulsés en fer de lance de l’innovation dans le domaine aux perspectives commerciales alléchantes.

Les années passèrent, les chercheurs cherchèrent et trouvèrent enfin ce procédé en novembre 2014, le BIPV (Building integrated photovoltaïc), minces panneaux photovoltaïques intégrés dans le double vitrage.

Les panneaux solaires Nexcis

Une révolution technologique. Sauf que...

En février 2015, EDF envoie un courrier annonçant la cessation d’activité accompagnée d’un plan de sauvegarde pour l’emploi. Les salariés, besognant sans souci des lendemains, à la culture syndicale proche du néant, reçoivent la nouvelle comme un pavé dans la vitrine. On s’agite, on s’organise pour lutter contre cette infamie parce qu’on ne raye pas d’un trait de plume 6 ans d’investissement. Le syndicat maison, sous la bannière CFDT, signe l’accord de licenciement tout de suite. Après on s’étonnera de l’image déplorable du syndicalisme en France. Censés défendre ses adhérents, ces syndicats d’entreprise ne servent que de paillasson aux profiteurs. Une section CGT est créée dans l’urgence suite à cette haute trahison.

Les profiteurs sont à chercher chez les actionnaires. EDF détient 65 % (via EDF Energies nouvelles et sa holding Edev) de Nexcis ; la société d’investissement EREN 33 %, le fondateur de Nexcis, Olivier Kerrec, 1,9 % et IBM les 0,1% restant.

Au moment où le BIVP devient opérationnel, EDF commande à la banque Rothschild une étude sur la recherche d’investisseurs. Le marché photovoltaïque va mal, mais la technologie est bonne, elle a un avenir prometteur, la banque recommande alors d’attendre deux ou trois ans pour voir l’évolution. Mais EDF nomme Jean-Bernard Lévy en octobre 2014 et prend sa décision de chef tout seul en jetant le rapport de la banque à la corbeille. NEXCIS, c’est de la recherche, ça coute et ne rapporte pas, de plus ça va faire de l’ombre à la filière nucléaire. Pensez donc, des clients qui produiraient eux-mêmes l’énergie ! De quoi inquiéter les rentiers de l’action, alors que les énergies renouvelables ne pèsent que 0.1 %, hors barrages hydrauliques (qui ont été privatisés en douce à la faveur des lois Macron).

On vire tout le monde, on garde les brevets qu’on revendra plus tard. Merci les gars, bon chômage ! Un nouveau directeur est nommé en avril, Michel Rubino, qui depuis est en arrêt maladie.

Cet exemple de massacre de l’innovation par le capitalisme verdi, est un encouragement à l’autogestion ou nous ne nous y connaissons pas ! Les salariés eux ne s’y trompent pas. Ils proposent un projet de reprise en s’associant à une startup spécialisée dans le vitrage fumé, CROSSLUX. On attend le soutien de l’état, c’est encore 84% d’EDF. On va voir Ségolène Green-Royal, enfin, sa directrice de cabinet Elisabeth Borne [2], qui dit qu’elle comprend, depuis silence radio.

C’est que le dossier photovoltaïque en France n’est pas un dossier écologique mais la création d’un nouveau marché pour le capitalisme. Et l’état a tout fait pour consolider ces bénéfices privés au détriment de l’autonomie énergétique individuelle et de l’intérêt général.

L’obligation exclusive de fournir l’électricité produite à EDF contre rachat a enterré le solaire comme source d’énergie renouvelable à usage local et partagé. Cela a permis au géant nucléaire de saborder le solaire de proximité en gardant la maitrise de la distribution tout en trainant des pieds pour installer les compteurs de production. Il a également le contrôle total sur le prix de l’électricité solaire qui n’a eu de cesse de diminuer, la rendant de moins en moins rentable pour l’industrie.

De plus, l’octroi du crédit d’impôt sur les projets photovoltaïque sans contrôles des réalisations a promu une mafia solaire pour les particuliers. Prévu ou conséquence du non professionnalisme gouvernemental, le résultat est là, la ferme solaire partagée entre utilisateurs locaux n’est pas prête de voir le jour.

Les fermes géantes, le modèle solaire français unique ?

Il n’est donc pas étonnant que l’état laisse enterrer en catimini les découvertes permettant la réalisation de l’autoproduction énergétique.

À part le soutien de chercheurs du CNRS [3] et quelques élus, les pouvoirs publics restent donc muets, laissant EDF signer l’arrêt de mort des salariés, qui suite à la fourberie de la CFDT se sont regroupés à la CGT.

Évidemment, aucune réaction de la direction du géant énergétique qui aurait du mal à justifier socialement cette décision. Tant pis pour ces familles. Les chercheurs de Nexcis ont fait l’erreur de croire qu’on leur demandait de trouver. Non, on leur demandait juste de chercher pour verdir l’image d’EDF. Il serait intéressant de demander au balourd nucléaire des précisions sur cette logique lors de la conférence sur le climat 2015, puisqu’il est sponsor de l’événement.

Notre syndicat ne peut qu’encourager les salariés à se prendre en main dans l’action directe face au cynisme affiché des élites qui se partagent les postes politiques et industriels. Face à ces sociétés et à leurs affiliés politiques, les salariés méritant, mettant à porter de main une révolution technologique dont les applications industrielles sont illimitées, ne se verront signifier que la porte.

Le SUB-CNT-F défend l’autogestion, l’action directe. L’enseignement de cette histoire, c’est qu’il ne faut pas attendre les coups de couteau dans le dos des syndicats réformistes vendus aux actionnaires pour s’organiser. Quant à la CGT, si elle défend les salariés, ne mets rien en œuvre du côté d’EDF, pour soutenir leurs camarades du photovoltaïque. La lutte individuelle, cloisonnée dans les petits intérêts de chaque entreprise montre ses limites.

Présent à la conférence sur le climat, notre syndicat ne manquera pas de demander des explications aux représentants d’EDF et de l’état sur la logique financière de leur politique au détriment de l’emploi et de l’environnement pour nous obliger à consommer du nucléaire.

Aujourd’hui nous sommes dans l’attente d’une décision sur l’avenir de l’entreprise, en souhaitant aux salariés de prendre en main leur destin.


Voir en ligne : Nexcis


[1L’Irdep est un institut de recherche mixte et développement pour l’énergie photovoltaïque entre EDF, CNRS et Chimie ParisTech (Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris).

[2On remarquera que la directrice de cabinet de la ministre de l’Écologie, est partie prendre la direction de la RATP. En remerciement de son engagement pour la sauvegarde de l’emploi sans doute.