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EPR de Flamanville : vers un Bouyguesxit ?

vendredi 10 juillet 2015, par SUB-TP-BAM RP

L’entreprise Bouygues a été condamné dans l’affaire de l’EPR. Tout en étant reconnue coupable, elle écope d’une amende ridicule (25 000€) pour éviter les licenciements en cas d’interdiction d’exercer sur le territoire selon le monde.

Quelle belle excuse pour une farce juridique ! Mais quelle est donc cette justice qui se donne au nom de l’emploi et pas au nom de la loi ?

Que risque une entreprise en cas de travail illégal ?

Une société qui a recours au travail illégal directement ou par personne interposée, ou qui en fait la publicité, s’expose à des sanctions pénales et administratives.

Le travail illégal est :

  • le travail dissimulé (emploi de salariés non déclarés),
  • le prêt illicite de main-d’œuvre,
  • le cumul irrégulier d’emplois,
  • l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers (sans titre de travail),
  • la fausse déclaration pour obtenir des revenus de remplacement.

En cas de sous-traitance, l’entreprise donneur d’ordre (Bouygues) doit s’assurer que son sous-traitant (Les sociétés d’interim internationales) respecte bien ses obligations en matière sociale (déclaration d’activité et d’emploi salarié et paiement des cotisations et contributions sociales), en lui demandant de lui fournir une attestation de vigilance obligatoire pour le chantier de l’EPR.

En cas d’absence d’attestation ou de fausse attestation, le donneur d’ordre (Bouygues) peut être sanctionné pour complicité de travail dissimulé et devra régler les cotisations sociales du sous-traitant.

C’est sur ces bases qu’a été condamné Bouygues.

Les sanctions pénales dont on ne parle pas dans le cadre de ce chantier d’intérêt national

La personne qui a recours au travail dissimulé directement ou par personne interposée, peut être condamnée jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (225 000 € s’il s’agit d’une personne morale).

Le prêt de main-d’œuvre illicite et le marchandage sont sanctionnés jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende (150 000 € pour une personne morale).

Le fait d’employer irrégulièrement des personnes étrangères expose le dirigeant à 5 ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende par personne, portée à 75 000 € pour une personne morale (10 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende pour infraction en bande organisée).

La légèreté dont a fait preuve le procureur par rapport à ce que l’arsenal législatif lui offrait en dit long sur la justice de classe qui est pratiquée dans les prétoires. Une tout autre société se serait vu également condamnée pour infraction en bande organisée.

Martin Bouygues n’aurait peut-être pas été inquiété tout en haut de sa tour d’ivoire mais les lampistes de ses directions se poseraient actuellement la question de savoir s’ils passeraient leurs dix prochaines années en slip papier sur les paillasses bétonnées de leurs bagnes de Cayenne.

Mais non. Nous touchons là l’imbriquement total de la bourgeoisie dans toutes les institutions et les limites de la justice. Ce procès auraient pu changer la donne en matière de marché public de grands équipements. Et c’est bien pour cela qu’une farce juridique a été jouée à la place. Tout peut continuer comme avant et rien ne change.

Ce soir, le gueuleton au Fouquets de ces notables condamnés dépassera largement le montant des amendes et on vous parle pas d’éventuelles after-soirée BTP Bunga Bunga au Carlton de Dodo.

Un Bouyguesxit nucléaire

La question sur la fermeture de Bouygues ne se pose pas. Bouygues vit du marché public. Son plus grand soucis était donc son exclusion des marchés publics pour une durée allant jusqu’à 5 ans maximum au tribunal, pas une fermeture administrative sur des chantiers publics.

Maintenant que les peines pénales sont passées aux oubliettes, ne restent que les sanctions administratives.

  • 6 mois d’exclusion des marchés publics
  • suppression des aides publiques (exonérations de charges sociales ou des aides attachées au contrat d’apprentissage, par exemple), pendant 5 ans maximum,
  • remboursement des aides publiques déjà perçues, sur les 12 derniers mois
  • 3 mois de fermeture administrative

Ces sanctions étant conditionnées au bon vouloir de l’administration, autant dire que jamais elles ne seront appliquées.

Le plus intéressant aurait été de ne pas payer l’EPR et de faire porter la charge financière à Bouygues. Il faut se faire rembourser les surcouts, voir la totalité. Ce chantier est farci d’irrégularités. Et il n’est même plus sur qu’il soit livré vu les faiblesses constatées. La probabilité que l’EPR parte en champignon au démarrage n’est plus de la science-fiction mais une possibilité.

Bouygues n’était manifestement pas à la hauteur de la tache. Dans ces conditions, il est préférable d’avoir un Bouyguesxit nucléaire. Ne prenons plus de risques. Surtout que le programme nucléaire est dispensable dans la société de demain. Quand on voit à quoi sert l’énergie atomique...

Notre syndicat s’était déjà exprimé dans le contexte de l’EPR sur l’internationalisme à faire vivre dans le cas des ouvriers détachés. Cette condamnation minimale nous conforte dans ce choix d’action. Ce n’est pas l’action judiciaire qui suffira seule à faire stopper l’exploitation de ces majors.


Illustration : Le vault boy est issu du jeu post-nucléaire "Fallout". Dans le jeu, c’est une mascotte publicitaire qui vantait la belle vie en abri anti-atomique (les vaults).

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