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Résister au harcèlement

lundi 25 mai 2015, par SUB-TP-BAM RP

Derrière la façade de la parité salariale, les services publics sont confrontés à toutes sortes de harcèlements. Devant les signalements de plus en plus nombreux de ces situations, la section CNT-SUB-EAL a développé une méthode de lutte collective contre ces harcèlements.

Dans une note datée du 4 mars 2014, le ministère de la fonction publique rappelait la définition légale du harcèlement sexuel (loi n° 2012-954 du 6 août 2012).

Le harcèlement sexuel :

  • Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. .
  • Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

Nous rappelons celui du harcèlement moral (code du travail Article L-1152-1)

Le harcèlement moral :

  • Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Nous faisons une différence entre le harcèlement et l’agression physique. L’agression physique sera traitée par la voie judiciaire en dehors du cadre défini par ce document.

Pour le harcèlement, c’est dans l’application de la législation qu’aurait du se révéler la volonté du ministère du développement durable de lutter contre les harceleurs. Nous avons eu un an pour constater que ce n’est que des déclarations sans suites réelles. C’est notre devoir syndical de mettre ces harceleurs hors d’état de nuire ce qui peut ne pas être un choix des victimes.

La confiance à la base

Au delà de la posture, la mise en œuvre concrète de ce combat n’est pas simple.

Pour les victimes de harcèlement, c’est une épreuve dont elles ne voient pas d’issue. Nous ne sommes pas égaux face aux prédateurs. Ceux-ci savent en effet adapter leur comportement selon l’emprise qu’ils possèdent sur leur entourage.

Ainsi la perception du groupe est faussée. La victime est alors contrainte de se justifier de son état de victime. Cette recherche de légitimité va alors lancer les victimes dans des recherches de preuves ou elles vont se retirer de la vie sociale du groupe, d’autant plus rapidement que le groupe va lui-même la mettre à l’écart. Elles peuvent vite se retrouver dans une solitude destructrice et se mettre à douter d’elles-mêmes et de leurs compétences.

Cette recherche de preuve n’a de sens que si elle s’inscrit dans une démarche réfléchie de défense ou de contre-attaque.

Une organisation syndicale comme notre section syndicale CNT -SUB-EAL est un outil dont chaque victime peut s’emparer pour construire sa défense. Nous ne jugeons pas et basons nos relations avec les agentes et agents sur la confiance à priori. Dans ces situations qui sont toujours paroles contre paroles, nous seront toujours du coté de la victime qui vient demander notre soutien et ne sommes pas un syndicat de médiation dans le dialogue social. Le problème est toujours le harceleur et non le harcelé.

Ce que nous pouvons apporter :

Si nous ne pratiquons pas la médiation entre les intérêts de la direction et les intérêts de ses agentes et agents, nous ne pratiquons pas non plus la délégation de la lutte individuelle. Nous séparerons l’action contre le harcèlement en deux étapes : se défendre et obtenir réparation. Que la victime soit adhérente au syndicat ou non adhérente, l’engagement du syndicat sera identique dans les actions de défense selon le principe de défense des intérêts de tout les salariés.

C’est dans la recherche de réparation que nous réserverons notre action syndicale aux adhérentes et adhérents. C’est lors de cette demande de réparation que l’on entre dans la confrontation. Nous ne pourrions pas apporter à la victime un soutien efficace dans une démarche individuelle. Dans cette confrontation, la réponse se doit d’être celle du collectif.

Se défendre :

1ère ligne de défense commune : Protection immédiate

Ces actions rapides sont à considérer comme un avertissement au harceleur.

Briser l’isolement des victimes. La première des choses est de faire connaître sa situation. On peut le faire de plusieurs façons. Le syndicat œuvrera à mettre en relation les victimes de harcèlement pour créer une dynamique de groupe qui produise une défense collective.

De ces échanges, la première étape sera de signaler les problèmes de harcèlement de préférence de chaque victime, via la hot-line para-psychologique. Ces outils qui ne servent qu’à empêcher le bon exercice de la médecine du travail peuvent ainsi retrouver un usage utile. On n’y trouve pas de soutien mais on peut ainsi tracer le profil spécifique autours d’un harceleur tout en préservant l’anonymat de la victime. C’est un premier avertissement.

Briser les moments où la victime se retrouve seule avec son harceleur. Chaque agente et agent peut se faire assister par un représentant syndical dans ses relations avec sa hiérarchie, il faut que ce soit systématique dans le cadre d’un harcèlement. Plus jamais de tête à tête, y compris (surtout) aux entretiens professionnels. Dans la vie quotidienne du travail (repas, café etc.) il faudra une même attitude. Ce n’est possible que si l’on parvient à organiser cette défense collectivement.

Briser les dérives publiques des harceleurs. Ceux-ci se dévoilent parfois à la faveur de mots qu’ils croient « d’esprits » en public. Le syndicat tachera de les retourner dans leur misère intellectuelle systématiquement. C’est une façon de signaler au collectif de travail, un comportement de harcèlement. Cette tâche est plutôt réservée à la parole publique du syndicat pour éviter les opprobres personnels.

2ème ligne de défense : Rendre « officielle » sa situation.

Cette étape est la décision la plus difficile à prendre pour les victimes. Elles exposent leur vulnérabilité face à une ligne hiérarchique qui peut couvrir le harceleur contre elles.

Nous ne croyons pas à l’efficacité des instances internes de « dialogue social » dans ces situations. Nous avons vu trop de fois CHS et administration étouffer le scandale. La situation se règle souvent par une mise au placard du harceleur et un changement de service pour la victime. C’est un transfert du problème négocié mettant immédiatement fin à une situation de harcèlement mais cette négociation n’aboutira jamais à la reconnaissance publique du préjudice pour la victime.

Dans le cadre d’une victime non-adhérente, nous l’aiderons à utiliser ces instances en ayant cette conscience que l’on ne peut en attendre que ce résultat : le changement d’environnement de travail pour la victime.

Pour notre section syndicale, ce type de négociation n’est pas satisfaisant. La victime gardera toujours l’amertume que l’on n’ait pas reconnu son préjudice et cela n’empêche pas le harceleur de recommencer avec d’autres son harcèlement sitôt sorti de son placard.

Mais aller plus loin pour obtenir réparation nécessite de comprendre la fragilité des victimes. C’est pour cela que nous ne nous engagerons pas plus avant pour des victimes non-adhérentes.

Obtenir réparation

La procédure

Sur un dossier suffisant

Il faut comprendre « dossier suffisant », un dossier qui présente assez de consistance matérielle pour être reçu par la justice.

Pour obtenir réparation, nous devrons évaluer les éléments que nous fournirons à la justice (mail, témoignages etc.) selon le regard de la justice et non le nôtre. Si ceux-ci sont suffisants, nous engagerons le dossier sur un plan judiciaire. Il faut sortir ces dossiers des instances de concertations du précédent paragraphe.

Nous saisirons toutefois ces instances de concertations mais sans en attendre de résultat. Le but n’étant pas de s’y enfermer mais de créer une nouvelle pièce au dossier. Cette pièce engagera aussi les responsabilités de l’organisation de travail et de la direction.

A ce stade, nous pourrions avoir la surprise de voir la direction se porter partie civile. Nous entreprendrions alors une coproduction sur le dossier. Si le dossier se montait exclusivement en interne de la direction sans que nous y participions, nous le ferions mettre sous surveillance par un des avocats du syndicat pour éviter tout problème.

Si comme nous le supputons, peut-être à tort, les directeurs préfèrent préserver l’image de son logo et négocier la situation, nous serions en situation de confrontation classique. Et la première démarche serait de faire connaître le problème au niveau supérieur par la voie de recours hiérarchiques.

Là aussi, il s’agit de constituer des pièces au dossier et de remonter les chaînes de responsabilités, l’action syndicale se situant alors dans la démarche judiciaire.

Sur un dossier insuffisant

Il faut comprendre « dossier insuffisant », un dossier ne présentant pas d’éléments sur lesquels on peut s’appuyer pour engager une procédure au sens judiciaire. Ce sera certainement le cas le plus répandu et le plus difficile à traiter. Parole contre parole toujours. Nous devons ici prendre en compte la possibilité d’un dossier bloqué et d’une situation qui se pourrit.

Dans ce contexte, la preuve ne doit pas être créée car cela compromettrait le dossier dans une suite pénale. Nous continuerons alors à mettre sous surveillance le harceleur jusqu’au moment où les éléments seront constitués par lui-même. Une sorte de construction petit à petit de la sanction au dessus de sa tête.

Pour faire face à la durée, nous chercherons à créer un collectif de victimes et de témoins ce qui permettra de sortir de la situation individuelle vers une opposition collective. Il faut ainsi créer une défense de groupe. Avec un travail long qui nécessitera une mobilisation régulière, nous chercherons à démontrer le harcèlement sur le cadre global alors qu’il était dur de le prouver individuellement.

Une coordination sera à effectuer avec la commission discrimination du syndicat.

Le financement de la procédure

Le principe premier du syndicat est de financer ses luttes. Nous défendons aussi l’idée que chacun d’entre nous n’a pas à devoir payer pour se protéger dans le cadre de son activité professionnelle. Agresser l’une ou l’un d’entre nous, c’est nous agresser tous.

Pour une victime non adhérente du syndicat, nous l’aiderons à une évaluation de ses dépenses pour l’obtention de sa réparation.

Dans le cas d’une situation de ce type frappant une adhérente ou un adhérent du syndicat, le syndicat mobilisera l’ensemble des camarades et les soutiens nécessaires au financement de l’action en justice en amont. Ce soutien pourra prendre la forme d’évènements comme des concerts, projections, débats publics.

Le syndicat apportera son soutien également dans l’action directe, la communication autours de ce combat et dans les stratégies à utiliser. S’il s’avère que l’origine du harcèlement est due à l’activité syndicale, nous mobiliserons au niveau national, la fédération et la Confédération.

Dans les deux cas, nous travaillerons à ce que la solitude et l’angoisse changent de camps. Dans le Syndicat Unifié du Bâtiment, on n’est jamais seuls dans les coups durs. Face à la solidarité de nos syndicats CNT rompus à l’action directe, l’agresseur n’aura pour seule protection que quelques cadres sup de la défense vissés à leurs chaises. Il a déjà perdu.

Le parcours est compliqué et long mais à la fin, les victimes n’en seront plus, quel que soit le résultat. Les agentes et agents agressés seront restés debout face à leur agresseur et la honte aura changée de camp.