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Un matin de permanence syndicale pour le BTP à Paris

lundi 30 mars 2015, par SUB-TP-BAM RP

Il est 8H30 à Paris, en ce samedi de printemps, et Ferdinand est aujourd’hui de permanence syndicale pour le BTP. Il l’est en fait une fois toutes les huit semaines, en mandat tournant avec d’autres camarades.

Il pousse la grille sur rue, la bloque pour en signifier le dorénavant libre accès, et d’un pas décidé se dirige vers le fond de l’impasse.

Le trousseau de clé déjà en main, il recherche celle qui permet l’accès à la salle du fond, où il officiera toute la matinée.

Il ouvre puis, par deux néons blafards, donne de la lumière sur cette pièce aux tables qui gardent encore les traces de la réunion de la veille, à celles ou s’empilent tracts et journaux syndicaux, au bar où sont abandonnées tasses à café à moitié vides et cendriers pleins de mégots.

Ferdinand, maintenant la porte ouverte sur la cour, ventile au mieux l’espace confiné.

Dans ce premier quart d’heure, il effectue les rangements préliminaires qui permettront d’accueillir les travailleurs et camarades qui le rejoindront bientôt.

Vers 8H45, arrive Sergio de permanence comme lui. Ensemble, ils installent la salle et le matériel nécessaire à la bonne tenue de la permanence hebdomadaire du syndicat Unifié du Bâtiment.

A 9H00 débute le cours d’alphabétisation. Chaque travailleur, syndiqué ou non, peut s’y inscrire pour approfondir ses connaissances, se préparer pour un test professionnel, y développer son allocution… Comment en effet pouvoir discuter avec le patron si les mots font défaut, si la pensée s’embrouille, si on ne comprends pas ce qu’il dit ?

Comment aider ses mômes dans leurs devoirs quand on a fait soi-même que deux ans d’école de brousse ?

Comment accéder à une formation qualifiante, quand on se fait généralement bouler dès les tests de français qui ont été mis partout ?

Chacun dispose de la mallette remise par le syndicat, et qui contient le classeur où sont rangés les cours et les exercices corrigés. Les présents se choisissent un crayon dans la boîte commune, le taille méticuleusement si nécessaire, et jette un premier regard sur la feuille du sujet du jour que Sergio vient de distribuer. C’est en effet lui qui cette semaine est mandaté pour animer la cession. Un boulot pas facile-facile pour ce compagnon plombier-chauffagiste, certes motivé par la formation mais qui se sentirait plus à l’aise à expliquer la soudure sur le chantier syndical que la différenciation en genre et en nombre à quelques travailleurs avides de ces nouveaux savoirs.

Alors que dans un murmure studieux s’amorce le cours d’Alphabétisation, Ibrahim rejoint l’équipe d’animation de la permanence.

Ibrahim, a un dossier prud’hommes suivi par le syndicat, et vient filer un coup de main. Comme le syndicat le fait pour lui, il accueillera à partir de 10H00 les salariés, syndiqués ou non, qui sont en attente de conseil. Alors que Ferdinand analysera le fond de chaque demande, Ibrahim lui veillera à recevoir au mieux chaque nouvel arrivant, offrira l’éventuel café, vérifiera que la personne dispose bien de tous les éléments suffisants pour que son problème soit compris, que son activité dépend bien de notre champ de syndicalisation ou la réorientera vers un autre syndicat si nécessaire.

Il est maintenant 9H50. Alors que l’odeur du café zapatiste emplit la petite salle, et qu’Ibrahim fini d’essuyer la vaisselle derrière le bar, Ferdinand termine le balayage de l’impasse.

Il en est à passer la serpillière dans le sanitaire quand les premières personnes se présentent pour la permanence. La clémence du temps, lui permet de les arrêter avant qu’ils pénètrent dans la salle, leur expliquant que le cours d’alphabétisation se termine et qu’il est préférable que les dernières consignes pour la semaine, données par Sergio, puissent s’entendre dans les meilleures conditions. Il en profite pour saluer un camarade qui revient de vacances au pays et pour s’enquérir sur la façon dont un nouveau venu a connu la permanence.

A 10H05, le chassé-croisé entre étudiants et demandeurs se fait au droit du bar. Sergio content mais fatigué, comme d’avoir sprinté pendant une heure, range ses crayons, pendant que Ferdinand s’assied avec la première personne venue pour la permanence.

On sort les fiches de paie, le contrat de travail, les courriers d’employeur.

Le tutoiement, de rigueur au syndicat, achoppe sur la réserve du travailleur qui fréquente la permanence pour la première fois. Le désarroi au regard des situations, le dispute souvent à la colère. Les mots sortent comme ils le peuvent et c’est au permanencier de reconstruire une parole qui puisse permette d’énoncer le droit du travail.

L’intervention de camarades venus en voisins, ou se mettre à jour de leurs cotisations, leur éventuelle tentative de traduction dans la langue d’origine du visiteur, leur témoignage d’identique galère, ressoude l’identité de classe que porte le syndicat.

Une fois le droit énoncé, Ferdinand propose des solutions individuelles ou de préférences collectives.

A 10H40, Ferdinand se fait une pose clope, alors que Sergio le remplace à la table. Dehors Ibrahim, le prends à témoin. Il essaye d’expliquer à William que la solution de sa recherche de logement passe assurément par la commission idoine qui se tient ici toutes les 6 semaines, aux mêmes heures que la permanence. Il s’étonne que William, adhérent depuis quelques années maintenant, se démène seul alors que le syndicat met à sa disposition des camarades de la section du ministère du logement qui en connaissent pourtant un rayon. Ibrahim s’énerve un peu, et l’intervention de Ferdinand calme un temps le jeu.

Ferdinand s’excuse, mais sa clope finie il doit revenir à la table, car certains tentent déjà de lui expliquer leur cas, sans respecter l’ordre d’arrivée qui jusqu’à maintenant détermine l’ordre de passage.

Il est 10H50 et la permanence est maintenant pleine. Il reste une heure pour traiter les questions posées par les 1 … 3 … 5 personnes qui attendent encore.

Il est important que chaque salarié venu en permanence puisse être réconforté et soulagé. Si des réponses immédiates peuvent être apportées, des courriers envoyés, voire des solutions temporaires trouvées l’important n’est pas obligatoirement là. Le salarié qui individuellement subi une injustice patronale, une difficulté dans son droit au logement, à la santé, doit pouvoir, à ce moment et déjà dans cet espace, se soulager du fardeau qui momentanément l’accable. Le syndicat apporte cette première prise en charge collective et ne doit pas y faillir. Si d’autre rendez-vous, d’autres démarches devront être entreprises pour faire reconnaitre ses droits, le syndicat marque dès le premier rendez-vous l’empreinte de la solidarité de classe. C’est ce que le salarié isolé trouvera d’abord : l’expression d’une solidarité de fait.

A 11H45, arrivent les derniers. C’est souvent des adhérents anciens qui savent pourtant que les permanenciers, de notre organisation sans permanents, ont aussi une vie de famille. En souriant ou en grognant selon les cas, il faut alors rappeler que le respect dû entre camarades, doit éviter de renouveler ces situations.

Mohamed, qui bosse dans le reconditionnement de palette, a été, une nouvelle fois, licencié sans droits. Au constat qu’il a plus de 6 mois de retard de cotisations syndicales, il répond par sa précarité de revenus. Ferdinand, Sergio et Ibrahim prennent alors part au débat qui s’engage. A l’un qui affirme que l’adhésion n’est jamais une question d’argent, l’autre ajoute que « la mutuelle de secours » ou « la bourse d’ent’aide », ont été justement mis en place pour aider les camarades dans l’embarras. Ibrahim insiste sur la nécessité pour Mohamed d’acquérir une qualification professionnelle qui lui permette de trouver un emploi stable et plus rémunérateur que celui de reconditionneur de palettes qui l’expose à des patrons de l’économie parallèle. Avec son accord, il l’inscrit à la prochaine réunion du « bureau de placement syndical » qui l’aidera à construire un plan de formation professionnelle.

A 12H15, alors que la permanence est normalement terminée depuis 15 minutes, Sergio est encore penché sur la table, à écrire une lettre pour un employeur oublieux du droit du travail. Ferdinand range le matériel syndical dans le local du SUB, et Ibrahim discute avec Didier un ancien du syndicat, expatrié en province, mais en visite sur Paname.

12H30 : les trois compères franchisent la grille. L’allée résonne déjà des talons qui frappent le plancher du cours de flamenco, et des échanges de camarades de la Conf, qui se préparent à partir en manif.

Après la poignée de main fraternelle, les quelques commentaires échangés, le rendez-vous pris pour le Conseil Syndical de vendredi prochain, chacun s’éloigne dans la rue des Vignoles que chauffe doucement un soleil de printemps.

Permanence du Syndicat Unifié du Bâtiment de la Région Parisienne
Chaque samedi matin
De 10H00 à 12H00