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Travail le dimanche, ou la gouvernance par le sondage.

mercredi 21 janvier 2015, par SUB-TP-BAM RP

Ce lundi, un de nos camarades, mandaté à la lecture de la presse aux ordres, a encore trébuché sur sa tartine. Forcement, impossible de garder l’esprit serein quand on lit les torchons publiés le week-end dés le réveil. Remarquez, qu’il s’était étouffé à la lecture de libération aussi en semaine mais sur le même sujet.

L’offensive pour nous faire accepter le travail du Dimanche. Chaque semaine, un éditocrate va nous faire la leçon le dimanche pour nous faire culpabiliser.

Sur le site de La Tribune, nous apprenons donc que selon un sondage, 59% des Français notamment considèrent que l’élargissement du travail le dimanche est une avancée sociale contre 41% qui estiment que c’est une régression.

Emmanuel Macron, notre Sinistre de l’économie, s’en félicite et s’en réclame lors des réponses aux questions de la Commission Spéciale de l’Assemblée Nationale. Pauvre chose, quand on commence à croire à ses propres sondages commandés...

Mais qui sont ces français qui filent la jaunisse ? Quel est ce sondage ? D’où, un ministre à la compétence nettement sur-évaluée va pourrir nos vies de familles ou autres activités improductive pour la relance d’une économie qui ne nous profitera pas ?

Décryptage…

Le sondage vient d’une officine, ODOXA. On doit ce nom approprié à Gaël Sliman, qui être sorti de l’Institut Politique de Grenoble, s’est retrouvé chez BVA, institut d’étude de marché et d’opinion (comment se servir de l’opinion pour augmenter vos profits). M. Sliman avait alors le privilège de nous informer de ses réflexions sur BFM TV, cumulant les deux casquettes de sondagiste et d’éditorialiste. Ou l’art de la double persuasion.

Gael Sliman

Prié de partir, ou incité à créer un institut détaché pour éviter les critiques grandissantes, notamment de la part de l’OJIM, de l’ACRIMED (A lire : Délire sondomaniaque : les Français approuvent le pacte de responsabilité malgré eux) et autres confrères pour qui la profession de journaliste sert avant tout à informer et non influencer, il créé ODOXA. La doxa, c’est du grec (δόξα), ça veut dire : ensemble d’opinions confuses. Et les commandes tombent. Ce gars se fait jeter, et hop, le voilà PDG et plein de boulot commandé par la presse subventionnée.

Parmi cette somme de travail, le fameux sondage. Réalisé pour I-télé, il va entrer en symbiose avec un échantillon représentatif de français pour savoir si oui ou non on veut bosser le dimanche. Les français représentatifs, c’est 1002 personnes disposant du net. Oui, car ODOXA sonde par internet, c’est moins précis que le vis-à-vis, mais ça coute rien. Et c’est déjà un biais au résultat de ne sonder que sur un seul moyen de réponse, 20% de la population n’ayant pas internet en 2013. De plus, dans une étude, le Credoc a travaillé sur l’influence de la réponse tout internet dans les sondage. Tout les biais y sont analysés.

On constate que les différences entre internautes et non-internautes sont extrêmement fréquentes (dans 67% des cas). Dans environ un tiers des cas (34%), les réponses de l’échantillon des internautes non redressé diffèrent de celles apportées par l’ensemble de la population. Enfin, et surtout, dans 12% des cas, l’échantillon des internautes redressé apporte des réponses qui diffèrent de la population totale.

Les questions, et oui, c’est du lourd, ça dépiaute le cortex du travailleur, au nombre de trois, doivent finalement nous dire « scientifiquement » si nous validons la Loi Macron, dont personne aujourd’hui ne sait de quoi elle retourne, vu que le MEDEF a décidé d’y fourrer tout un tas de truc, du Prud’homme au travail du dimanche, mais sans trop en parler car déjà on l’appelle la bombe à Macron, aux vues des contestations qu’elle va immanquablement provoquer. M. Sliman, c’est le démineur à trois points d’interrogation.

Question 1.

A propos de la loi Macron qui prévoit d’ouvrir à la concurrence certains secteurs et certaines professions réglementées et à réformer le droit du travail, en autorisant sous certaines conditions le travail le dimanche, diriez-vous qu’elle est pour l’économie Française

Importante : 36%
Pas importante : 63%

Paf. Dans le jargon des sondagistes, trouver un truc important c’est dire oui. Pourquoi c’est important ? On s’en fout, t’as répondu oui. On va pas t’expliquer que le projet de loi déconstruit tes droits, ben non. On te demande pas si toi tu veux te lever dimanche.

Et on cumule en une même question, des thèmes différents. ouvrir à la concurrence et ouvrir le dimanche, ce n’est pas pareil. Quand à réformer le droit du travail, c’est totalement une autre question. Là tu as un pack, tu prends tout ou rien. Pour nous, c’est rien parce qu’on supporte pas de se faire forcer la main par les crieurs du marché néo-libéral.

Au final, le résultat est en défaveur de Macron. Le sondage annonce 63% de « Pas important ». Ce n’est pas concordant avec la question 2...

Question 2

A propos de la loi sur le travail du dimanche, diriez-vous plutôt qu’il s’agit d’une régression ou d’une avancée sociale ?

Avancée 59% (36,5 % électeurs de droite et 22,5 % électeurs de gauche)

Régression 41% (21% électeurs de gauche et 20% électeurs de droite)

Ha… Toi aussi tu as senti venir l’embrouille. On sait même pas de quelle loi on parle, celle de Macron ou celle actuelle. On va dire qu’on parle de la nouvelle loi de Macron et que c’est donc une régression. Ça ne change pas grand chose pour la gauche, c’est du 50-50 dans le sondage.

Et puis, c’est quoi un électeur de gauche ? C’est qui ? C’est quoi la gauche ? Parce que si on peut expliquer les 20% d’électeurs de droite qui sont contre le dimanche par la révolte de la droite catho qui va à la messe...le dimanche, on a un peu de mal à expliquer que la moitié du staff marqué gauche passe dans le camp des rétrogrades (comprendre ceux marqués "avancés" dans le sondage, il y a une erreur d’étiquettes. Revenir aux lois du travail d’avant 1900 ne peut être que difficilement une avancée...).

C’est le peuple « de gauche » qui parle d’une seule voix pour la droite, à 22,5 %. Mais ce mi-peuple de gauche sondé par mail, connait-il la loi et ses implications sur le travail du dimanche pour répondre, lui as-t-on donné, avec la question, un projet, un résumé, lui permettant de se forger une opinion ?

En tout cas, pour un tel résultat, les sympathisants du parti socialiste ne suffiraient pas. Cela suppose que d’autres sympathisants d’autres partis marqués à gauche pensent comme la droite. Ou alors, qu’il y a un soucis avec l’échantillon de "gauche" du sondage.

Mais le résultat d’un sondage est, par la gloire et la bonne parole de ceux qui les produisent, incontestable.

Question 3

Avez-vous une très bonne, plutôt bonne, plutôt mauvaise ou très mauvaise opinion d’Emmanuel Macron ?

Bonne opinion 53% (sympathisants de gauche 60%)

Mauvaise opinion 46% (sympathisants de droite 51%)

Là tu sais qui commande le sondage via ses potes des médias. Au demeurant, le Macron peut paraitre sympa, c’est pas pour ça qu’il est bon. Même si l’on en rajoute d’emphase sur son CV, celui-ci est bien maigre. ENA, fonction publique obligatoire, commission pantouflage chez Attali qui le place chez un banquier où il traite un gggggros dossier puis récupération par la branche PS. Le sieur a bien besoin d’un sondage le faisant paraître fantastique et créant une mythologie autours de lui. Car pour l’instant, zéro+zéro=...

Emmanuel Macron

Et voilà comment avec trois débilités postées par mail, on assoie la politique d’un gouvernement allongé devant le patronat. Ce sondage a évidemment été repris en boucle par l’ensemble des médias [1], de façon toujours plus succinctes, se contentant de dire que oui, le peuple et surtout celui de gauche (Il faut aussi décrypter les commentaires tendancieux ou erronés qui parfois les accompagnent en guise d’interprétation.), français, les mots comptes pour racoler un peu sur l’électorat du FN, validait l’idée du travail du dimanche. Le travailleur pas français est prié de se taire, merci. Déjà que le PS ne représente pas grand monde, alors déformé par le spectre du sondage, on imagine.

On imagine ta tête le dimanche, dans un magasin de meuble ou de bricolage, à refourguer des trucs aux clients venus en famille se rependre dans le temple de la consommation, alors que tu laisses tes fils et tes filles seuls, ta femmes ou ton mec seul, pour rentrer et te coucher parce que demain, c’est lundi et que tu rebosses.

Nous imaginons les gars sur les chantiers, le dimanche, c’est tendance. Faudra demander aux transports publics aussi s’ils veulent bien te déposer. Profites en pour vérifier si ton patron te paye tes déplacements, des fois qu’il ait oublié sur ton salaire.

Au syndicat, on n’a pas entendu de plébiscite pour le travail dominical. Il faut dire que nous votons, tous, après avoir longuement débattu le pourquoi et le comment. On n’envoie pas de sondage grassement payé à des copains pour piquer le temps et la santé des camarades dans l’espoir de larver au chaud aux frais du cotisant. Pas de permanent, pas de décideur autoproclamé, nous voyons ensemble pour le bien de tous. Et ça se trouve des qui voudront bien, ou pas, encore faut il demander et bien poser la question avec tous les détails. Bientôt, les « partenaires sociaux » feront aussi des sondages auprès des syndiqués, commandé en même temps que ceux du gouvernement , les sondagistes feront surement une réduction. Le résultat est programmé d’avance.

Le résultat, c’est ta vie de misère à bosser alors qu’en 2016, il parait que 1% de la population mondiale détiendra 99% des richesses. Mais sur ce sujet, j’ai pas vu de sondage…


[1Le parisien 19/1 - Travail du dimanche : les syndicats toujours pas convaincus par la loi Macron...Comme si c’était en débat au syndicat et qu’on allait changer d’avis. C’est non, point final.