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Aucune lutte ne justifie le mépris de classe

vendredi 19 décembre 2014, par SUB-TP-BAM RP

Le 6 novembre dernier est parue dans sur Paris-Luttes-infos, une BD intitulée « Chantier d’Automne » et sous-titré : « ...Une ptite bédé pour "fêter" le début de la trêve hivernale. ».

Sur la première planche

Les 4 cases nous révèlent ce qui semble être un ouvrier du bâtiment occupé à murer une porte. C’est un homme, à cheveux courts et moustache, de type européen.

Le premier phylactère [1] nous le présente râleur (son premier mot est un « Pffff »), et grossier (« putain de squat »). Il semble habitué du fait de « murer » des squats.

La troisième case le montre satisfait de son travail (« beau boulot ») et allègre (« hop,hop ») comme étranger à l’objet de son travail (rendre impossible l’habitation dans cette maison).

Enfin le phylactère de la dernière case laisse entendre qu’il tire profit de cette situation (« Ah la trêve hivernale ! 15ème squat à murer avant l’hiver).

La seconde planche enfonce le clou.

  • Phylactère, case 1 : renforcement du propos individualiste (« MOI … Ca m’fait du boulot »), insistant sur le langage parlé (« Jd’dis », « m’fait »), tendant à limiter ses capacités d’expression.
  • Phylactère, case 2 : Propos machistes (« j’me demande c’que bobonne prépare à manger pour ce soir »)
  • Phylactère, case 3 : indifférence à la souffrance d’autrui (« Pfiouuu ! fait un froid d’canard ! »), qui par sa faute dormirait dehors le soir.
  • Phylactère, case 4 : retour à la grossièreté à caractère homophobe (« Ils l’ont dans le cul ») et opposition idéologique (« sales squatteurs »).

La troisième planche

La troisième planche augmente la distance qu’il conviendrait d’avoir avec ce qui devient l’ennemi. En ce sens le personnage est maintenant vu de plus en plus loin.

  • Case 1 : le personnage semble s’interroger sur ce que sont ces squatteurs (« dorment dans la rue », « dans d’autres piaules »), mais décrète que leurs conditions d’habitat (« sordides ») ne peut que correspondre à la façon dont il les a déjà nommés (« sales squatteurs »)
  • Case 2 : le personnage reviens vite à de l’indifférence (« j’men fout ! ») pour ce qui n’est pas comme lui (« z’ont qu’a bosser comme tout le monde ») tout en valorisant la valeur travail.
  • Case 3 et 4 : tout à son travail et à ses mauvaises pensées, le personnage ne se rend pas compte qu’il est en train de s’emmurer.

Planche finale

La quatrième et dernière planche n’est constituée que d’une seule case, qui nous fait découvrir un environnement totalement muré et un personnage appelant sans succès au secours.

Pour résumer que nous dit cette BD du personnage :

  • C’est un travailleur du bâtiment. On le constate à la précision des gestes professionnels dessinés.
  • Il est râleur, grossier, fier au-delà de tout de son travail, individualiste de tendance libérale, réactionnaire, phallocrate et homophobe, indifférent à la souffrance d’autrui, et imbécile puisque capable de s’emmurer tout seul.

Si cette BD ne nous précise pas s’il est ouvrier (subissant les directives patronales), artisan ou petit patron, c’est sûrement parce que pour son auteur cela n’a pas d’importance, les statuts et les responsabilités s’équivalant.

Pour ce qui est de la conclusion, nous nous interrogeons sur le A cerclé qui se trouve inscrit sur le linteau de la porte. Faudrait-il en conclure que cet individu ne mérite que d’être enfermé dans une prison du « peuple » ?

On ne peut s’empêcher de penser, après cette lecture, aux théories de l’anarchisme individualisme qui fit florès au début du 20ème siècle en affichant son mépris de la classe ouvrière.

A l’heure cependant où la bourgeoisie mène, avec violence, une offensive ininterrompue contre le prolétariat, il s’agirait pour certains de constater de quelle manière, ils partagent ce mépris de classe si facilement agité.

Les ouvriers du bâtiment font partis des catégories sociales les plus mal logées, parmi ces derniers certains habitent dans des squats.

La plupart des ouvriers du bâtiment n’ont pas la possibilité (précarité de l’emploi, faiblesse des organisations de classe, …) de s’opposer à leur participation pour rendre des espaces impropres à l’habitation. On a même vu des sans-papiers travailler à la construction de centre de rétention. Faut-il les accabler encore plus ?

Les mettre dans le même panier que ceux qui en tire profit est insultant.

Les représenter de cette façon, c’est appliquer ce qu’on reproche de la société pour soi à d’autres.


[1Un phylactère, généralement appelé bulle, est un moyen graphique utilisé en illustration puis en bande dessinée pour attribuer des paroles aux personnages. Il est habituellement constitué d’une forme ovale ou rectangulaire avec des coins plus ou moins arrondis. Le lien entre la bulle et le personnage est fait de façon continue à l’aide d’une extension pointue pointant de la bulle vers le personnage lorsqu’il s’agit de paroles ou à l’aide de plusieurs cercles de grandeur décroissante dont l’ensemble pointe vers le personnage lorsque le personnage réfléchit (dans ce dernier cas, les cercles peuvent être remplacés par des formes de nuages). Il permet également d’insérer un encart narratif, souvent rectangulaire, sur un bord ou dans un coin d’une case : le récitatif.