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Thomas Schmidheiny… Portrait d’un actionnaire héritier d’Holcim !

mardi 30 septembre 2014, par SUB-TP-BAM RP

Qui est donc Thomas Schmidheiny, principal actionnaire du cimentier Holcim (20,11% de parts), avec qui le groupe Lafarge fusionne ?

Membre de la quatrième génération aux commandes d’Holcim, il a dirigée le groupe de 1978 à 2001 puis présidé son conseil d’administration jusqu’à son abandon forcé suite à un procès perdu pour délit d’initié. [1].

Une famille de 4ème génération.

Si à la fin du XIXe siècle, « pépé » Jakob invente une « machine à faire des briques », son fils Ernst s’évertue à transformer ces briques en lingots, en s’emparant de la cimenterie Holderbank (rebaptisée Holcim en 2001), puis de l’usine Eternit. La troisième génération, fera fructifier le magot en prenant des parts dans de nombreuses sociétés suisses. Pour des raisons de stratégie financière, l’empire familial est partagé à la quatrième génération. A Thomas, le ciment d’Holcim et à Stephan, le cadet, l’amiante d’Eternit. Dans l’industrie suisse, il n’y a guère que la famille De Soyeux Bodmer, à Zurich, et les Hoffmann-Oeri, descendants du fondateur des laboratoires pharmaceutiques Hoffman-La Roche, à Bâle, qui ont su passer, comme eux, le seuil fatidique de la troisième génération.

Un modèle de management, et d’attention à la sécurité des travailleurs.

On se rappelle la faillite retentissante de Swissair, le 2 octobre 2001, clouant tous ses avions au sol, et laissant désemparés des dizaines de milliers de passagers dans le monde. Le fameux Thomas, qui y était administrateur (au travers de sa maison mère SAirGroup), de 1980 à 2001, a approuvé, lui aussi, les acquisitions risquées de la compagnie qui ont fini par provoquer sa perte, entraînant celle de Sabena, son partenaire belge.

Qu’on se rassure cependant, Thomas Schmidheiny, comme les autres, a été acquitté au pénal par la justice helvétique. « Les erreurs de management, l’incompétence, l’échec ne sont pas pénalement répréhensibles », a commenté la presse suisse. Et si des pilotes de Swiss (flotte née après la disparition de Swissair), lui ont, parait-il, longtemps refusé l’accès de leurs appareils, le vin, dont il est producteur, serait aujourd’hui servi à bord.

Thomas, qui a dirigé pendant une brève période (en 1989, année de l’interdiction de l’amiante en suisse [2]) Eternit Suisse [3] a été mis en examen par la justice italienne, dans l’enquête concernant les 200 victimes transalpines de l’amiante, ayant travaillé dans les usines suisses du groupe. Cette fois, ce n’est pas la justice Suisse qui est à la manœuvre mais celle italienne. En effet, le délai de prescription de 10 ans après les faits en suisse empêche les victimes de l’amiante dont la maladie se déclare plutôt au delà de 10 ans d’obtenir justice. Les plaintes sont donc classées sans suite en Suisse. Seulement, en Italie, les homicides courent au moment du décès et non de l’acte et ne sont donc pas prescrits. Quand on sait que la plupart des travailleurs de l’amiante en suisse étaient des immigrés et qu’ils ne peuvent s’installer en suisse à leur retraite, nous sommes dans un cas de figure inédit d’un jugement de grande ampleur sur les maladies professionnelles de l’immigration. Le premier à notre connaissance.

Stephan, lui, a déjà été condamné, par contumace, à dix-huit ans de prison ferme en Italie..

Même si nous ne doutons pas que leurs armées d’avocats (entre 20 et 30 à chaque fois) parviendront à faire durer les procédures avec les stratégies détaillées dans le livre de Louise Fines, pour leur permettre une douce et heureuse fin de vie, dans un petit chalet, situé du bon côté de la frontière … du Costa Rica, cette Suisse de l’Amérique centrale, car c’est bien plus sûr.

En effet la famille a toujours su cultiver ses propres intérêts, au « risque » de fréquentations douteuses, et cela dès les années quarante quand la famille Schmidheiny utilisait des prisonniers de guerre dans l’établissement Eternit de Berlin Rudow sous le IIIe Reich [Voir l’ouvrage de Maria Roselli], ou l’exploitation d’une mine d’amiante en Yougoslavie avec les nazis, ou quand Max Schmidheiny organisait la présence « helvétique » en Afrique du Sud ou dans le Brésil des militaires.

Stephan Schmidheiny, lui-même, eut une proximité avec le Chili de Pinochet qui lui permit de développer ses activités de scierie par la mise en adjudication à bas prix de cent vint mille hectares de terres indigènes Mapuche préalablement confisquées.

N’en jetez plus, la cour (de justice) est pleine

Même si Thomas Schmidheiny n’ira plus en Italie, quand sa fortune personnelle est désormais estimée à 6,3 milliards de dollars (218e homme le plus riche de la planète), est-on vraiment inquiété par une justice nationale ?

Et qui en voudrait à cette noble famille d’héritiers, propriétaire d’une importante collection d’art contemporain, et qui finance plusieurs fondations philanthropiques ?

Sûrement quelques syndicalistes aigris et les jaloux, les familles des morts de l’amiante, les travailleurs mis sur le pavé à la suite de restructurations industrielles juteuses, des peuples premiers expropriés de leurs terres et réduits à la mendicité, les travailleurs saisonniers des nombreuses vignes de ces grands amateurs de cigares et spiritueux, …

Personne, en fait.

Source :

Ouvrages de référence :

  • Eternit poison et domination, Robert Lochhead, 1983 ;
  • Eternit le blanchiment de l’amiante sale, R.F. Ruers e N. Schouten, 2006
  • Amiante & Eternit de Maria Roselli, 2008,
  • L’organisation des crimes en col blanc : "une gestion meutrière" Louise Fines, 2012

[1La justice ibérique a condamné en 2003, Thomas Schmidheiny, à payer une amende de 1,5 million d’euros pour délit d’initié. En effet, en décembre 2000, l’industriel avait acheté, à titre privé, un gros paquet de titres de la société espagnole Asturiana de Zinc (AZSA), un mois avant l’offre de rachat de Xstrata, dont il occupait un siège du conseil d’administration.

[2Interdit en 1989, Eternit a cependant continué à utiliser l’amiante jusqu’en 1994 grâce à des dérogations obtenues en pleurant sur la perte d’emploi.

[3Cela n’a duré qu’un an avant qu’il ne passe le relais à un autre l’année suivante