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Le SUB tamise Paris-Plages
lundi 21 juillet 2014, par
« Partenaire de l’opération Paris Plages depuis son origine (2001), nous contribuons à faire de la capitale française une ville plus belle, plus accueillante et plus durable tout au long de l’été. » proclame le site du cimentier Lafarge.
Sans polémiquer ici sur ce que serait une ville « plus belle » ni sur cet « accueil » qui voudrait transformer les travailleurs parisiens du commerce en « veilleurs de nuits » et « salariés du dimanche », avec la bénédiction du gouvernement, vendus à l’économie touristique de marché ; interrogeons nous sur cette capitale française : « plus durable tout au long de l’été. »
Lafarge a livré, le jeudi 17 juillet dernier, les 5000 tonnes de sable de Paris Plages. Ce sable extrait de la carrière de Bernières, en Normandie près des Andelys, provient d’un gisement datant du Quaternaire (entre 100 000 et 800 000 ans avant JC) qui se situe dans ce qui fut le lit d’un méandre de la Seine. Exploitée par Lafarge depuis 1964, elle produit en moyenne 1,5 million de tonnes de granulats par an.
Quand le cimentier évoque le fait de faire de la capitale, une capitale « plus durable », il passe évidemment sous silence ce que l’extraction de ce sable induit sur l’environnement immédiat de Bernières :
- une baisse de niveau de la nappe phréatique
- une augmentation de la turbidité de l’eau, néfaste à la faune et la flore de rivière. [1]
Quand on sait que cette carrière est située dans une « zone Natura 2000 » [2], on est en droit de s’interroger sur la réelle volonté de sauvegarde écologique de nos parlementaires. La France a été condamnée en 2010 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour ne pas faire les évaluations d’impact écologique des projets d’activité sur un site Natura 2000 depuis leur création.
La livraison du sable de Paris Plage s’est effectuée en un seul convoi fluvial. Un mode de transport (un pousseur et 3 barges) écologique puisqu’un seul convoi remplace 250 camions et émet trois fois moins de CO2. Dans le cadre d’un « plus-plus durable », nos décideurs économiques et politiques s’auto-congratulent et se répandent dans la presse aux ordres … en passant sous silence la question du trafic routier, durant cette période dans Paris. En effet, les rues aux alentours de Paris-plage étant interdites aux voitures, les automobilistes sont déroutés sur des rues déjà bien fréquentées, et créent ainsi de nombreux bouchons, provoquant une pollution bien supérieure au « 250 camions économisés ».
Ils oublient aussi la question du recyclage de ce sable des pseudo-plages parisiennes impropre à la construction. Alors que le sable était consommé où on pouvait à Paris (piste de cirque, sable de parc, pistes d’équitation de la garde républicaine...), il sera cette année ré acheminé au golf national de Saint-Quentin en Yvelines pour le tournoi de la Ryder-Cup. Et faute de voie navigable, c’est bien en camion qu’il fera le trajet.
Mais pourquoi toute cette Comm ?
Dans cette période d’été, et alors que de moins en moins de salariés peuvent partir en vacances, à Paris, et « grâce » à un cimentier mondial nos enfants construisent des châteaux de sable. Au delà de l’image surannée du film « Les vacances du petit Nicolas », c’est une façon pour le leader des granulats de nous vendre son image plus proche des familles, plus sociale que sociale. Une image que Lafarge vend aussi à l’international dans cet évènement taillé pour la compétition des villes-monde qu’est Paris-Plage.
Mais l’image est loin de la réalité. Ce groupe expatrié fiscal en suisse, s’apprête bientôt à fermer de nombreux sites en France dans sa fusion avec Holcim. Combien des familles de ses ouvriers seront laissées pour compte ?
Il faudra plus que des communautés montées autours de concours photos sur l’application internet à la mode pour nous faire oublier cette course au profit sur notre sable, matériau aujourd’hui essentiel au bétonnage de nos villes sous le prétexte fallacieux de les rendre « plus belles, plus accueillantes et plus durables » [3]…
Une manière douce, de faire oublier :
- la dévastation des rivières et littoraux (70% des plages du monde entier reculent et 75-90% sont menacées de disparition),
- la mondialisation économique qui met : « sur le sable » des millions de travailleurs, comme le groupe Lafarge/Holcim y « travaille » encore cet été.
[1] La turbidité désigne la teneur d’un fluide en matières qui le troublent. Dans les cours d’eau elle est généralement causée par des matières en suspension dont le sable qui limitent la pénétration des rayons lumineux nécessaires à la photosynthèse, et des des rayons UV qui limitent eux, le développement des microbes.
[2] Le zonage Natura 2000 a été créé en 1990 pour répondre au développement de la flore et de la faune. Depuis 1992, il constitue un maillage écologique territorial à l’échelle européenne.
[3] A l’image du banc anti SDF Ductal-Lafarge ?