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Le syndicalisme à l’épreuve du droit

vendredi 11 juillet 2014, par SUB-TP-BAM RP

« Nous abhorrons les lois, c’est entendu. Devons nous pour cela négliger de les connaître ?

Lorsque nous en sommes victimes (et c’est souvent, et c’est toujours) devons‐nous rejeter tout ce qui peut quelques fois nous tirer des griffes de ce monstre qui mange les petits et caresse les gros, qu’on appelle la justice ?

(…)

Non, n’est‐ce pas ? Eh bien, servons nous donc de ce qui s’offre gracieusement à nous. Nous voulons continuer et connaître mieux encore la législation et ses finesses afin de mieux combattre les lois et afin de mieux préserver ceux qui peuvent en être victimes. »
Georges Yvetot, congrès des Bourses – Nice 1901

« Que faire contre le patron ?
Il n’y a pas à hésiter : le forcer à respecter la loi. »
Emile Pouget – La Voix du Peuple – 6/13 avril 1902

LE JURIDISME EST‐IL POSSIBLE DANS UNE PRATIQUE SYNDICALE D’ACTION DIRECTE ?

Le SUB RP est engagé depuis sa réactivation (1997), dans la défense des intérêts des travailleurs et utilise le recours au juridisme pour faire reconnaître leurs droits. Lors de la vague de syndicalisation de travailleurs sans‐papiers, il a acquis d’autres connaissances concernant le droit des étrangers.

Le syndicat traite directement les dossiers prud’hommes, et suit les procédures engagées pour la régularisation des travailleurs sans-papiers.

LE SYNDICALISME A L’EPREUVE DU DROIT

Le plus radical des syndicats est bien obligé, sous peine de renoncer à sa fonction de défense des intérêts ouvriers, d’entretenir avec la partie adverse, le patronat, et plus généralement avec la société environnante, des rapports constants qui supposent négociation et compromis.

La revendication juridique n’est pas un phénomène récent, elle ne date pas de la dégénérescence du syndicalisme révolutionnaire, mais est née avec le syndicalisme lui‐même. Durant la phase de formation de la CGT, il n’est pas de sujet de droit social où les syndicalistes n’interviennent pas, ne refusant aucun moyen (presse, participation à des organismes étatiques, création de conseils juridiques syndicaux, interpellation de parlementaires, grève, boycott et sabotage) pour faire avancer la conscience de classe.

Notre pratique du juridique, si elle s’exprime dans le cadre de la loi et de ses espaces, n’en doit demeurer pas moins pour nous une pratique d’action directe.

Nous pensons que ce n’est pas la révolution qui est émancipatrice en elle‐même, car l’histoire nous l’a prouvé. La révolution peut aussi bien faire oeuvre d’asservissement. C’est l’action directe qui est émancipatrice, soit qu’elle aboutisse à des réformes partielles, soit qu’elle aboutisse à la révolution.

« Le jour n’est pas loin où tous les militants reconnaîtront que la véritable action révolutionnaire est celle qui, pratiquée chaque jour, accroît et augmente la valeur révolutionnaire du prolétariat. »

Victor Griffuehles – Le Mouvement Socialiste » ‐ Janvier 1905

A défaut de reprendre la prédiction (« le jour n’est pas loin ») de Griffuelhes à notre compte, nous ne pouvons que réaffirmer que les outils actuels de défense du droits des travailleurs doivent être ceux de notre émancipation future, et qu’a défaut nous n’allons pas vers la révolution, mais au renforcement de la collaboration de classe comme y travaille le « syndicalisme de service ».

PRATIQUE JURIDIQUE (principalement prud’homale) AU SEIN DU SUB RP

Le syndicat considère :
‐ Que la lutte se gagne dans l’entreprise, par la mobilisation des salariés, et non au Prud’hommes, espace de paritarisme et de gestion individuelle des conflits.
‐ Que le syndicat se doit de répondre aux sollicitations même individuelles des travailleurs et tenter de renforcer la conscience de classe chez ces derniers, ce que le temps d’instruction de ces affaires peut permettre.
‐ Qu’à défaut d’une lutte collective la réponse syndicale doit l’être (gestion collective et formatrice du dossier)
‐ Qu’en aucun cas le service de défense juridique du syndicat ne doit prendre le pas sur les autres activités du syndicat, ni entrainer la spécialisation de certains des camarades.

Fonctionnement :

Tout salarié de notre industrie se présentant à l’une de nos permanences est reçu par un camarade qui écoute sa demande et lui propose un rendez‐vous (immédiat où sous huit jours) suivant l’urgence de la question, pour analyser le problème et envisager la ou les actions possibles. Si l’urgence le réclame, le syndicat peut immédiatement aider le salarié dans la rédaction d’un courrier.

Après l’analyse de la situation le syndicat donne conseil au travailleur sur ce qui est envisageable. En fonction des actions possibles le syndicat propose l’adhésion ou indique au salarié les autres acteurs possibles (avocats, services sociaux, inspection du travail, etc). Pour la défense, le syndicat peut agir de manières différentes (Décision du Conseil Syndical du 10/09/2009).

Traitement Syndical

Les permanences et le suivi des dossiers juridiques est assuré par le Conseil Syndical composé actuellement de 12 membres. Le constituent les camarades porteurs de mandats internes (fonctionnement du syndicat) et externes (RSS) ainsi que les membres des coopératives syndicales.

L’ensemble de ces camarades sont en capacité de :
‐ Recevoir et orienter un travailleur venant dans une de nos permanences
‐ Analyser un conflit du travail
‐ Remplir une saisine prud’homale
‐ Constituer un dossier Prud’hommes
‐ Rédiger des conclusions
‐ Plaider le dossier devant le Conseil des Prud’hommes.

Ces compétences s’acquièrent :
‐ Dans la pratique des permanences
‐ Dans la participation aux réunions (hebdomadaires) du Conseil Syndical
‐ Lors des formations syndicales
‐ Par l’accompagnement du montage de dossiers avec des camarades plus expérimentés.

LE SYNDICALISME D’ACTION DIRECTE PEUT‐IL SE DISSOUDRE DANS LE JURIDISME ?

Si la gestion syndicale de ce type de dossier peut être et doit être collective, cette action individuelle peut‐elle être une action directe au sens où la définissait Griffuelhes dans la revue « le Mouvement Socialiste » en janvier 1905 ?

« Action directe veut dire action des ouvriers eux‐mêmes, c’est‐à‐dire action directement exercée par les intéressés. C’est le travailleur qui accomplit lui‐même son effort ; il exerce personnellement sur les puissances qui le dominent, pour obtenir d’elles les avantages réclamés.

Par l’action directe, l’ouvrier créé lui‐même sa lutte ; c’est lui qui la conduit, décidé à ne pas s’en rapporter à d’autres qu’à lui‐même du soin de le libérer. »

Le SUB RP ne peut répondre aujourd’hui, au regard de sa simple expérience, que par la négative.

Si cette démarche est formatrice pour les militants du syndicat et particulièrement pour les membres de son Conseil Syndical. Si sa prise en charge collective est une action directe qui demeure le principe de base de notre syndicalisme de transformation sociale. La démarche qui motive le salarié qui vient nous voir sur ce type de demande reste principalement personnelle.

En ce sens notre syndicat s’implique dans cette action parce que :
‐ Elle concerne 60% des contacts que notre syndicat reçoit aujourd’hui
‐ L’organisation de la profession est éclatée et composée d’une multitude de très petites entreprises où les salariés sont isolés et donc peu en contact avec des organisations syndicales (même réformistes)
‐ Les Chambres d’industries des Conseils de Prud’hommes sont largement occupées par des conflits concernant le BTP
‐ Elle est formatrice de nos militants sur le droit du travail
‐ Le syndicat oeuvre, le temps de l’instruction de l’affaire, a réveiller chez le salarié demandeur une conscience collective et syndicale qui le fera rester adhérent (et peut être militant) de l’organisation après le jugement.

C’est pourquoi, considérant que le réel développement du syndicat passe par une lutte syndicale offensive au sein des entreprises, le syndicat porte les plus grandes réserves sur une tendance à la juridiciarisation syndicale amenant la constitution d’une caste technicienne en son sein et la professionnalisation interne de cette fonction dans le syndicat.