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Le temps des sublimes

dimanche 9 octobre 2011, par SUB-TP-BAM RP

L’ouvrier parisien possède tous les savoir faire dont, ceci implique cela, celui du combat

Au 19ème siècle, Tisserand, ouvrier de son état avait écrit une chansonnette dont le refrain était :

Enfants de Dieu, créateur de la terre,
Accomplissons chacun notre métier
Le gai travail est la sainte prière
Qui plait à Dieu, ce sublime ouvrier.

D’autres ouvriers avaient tourné en dérision cette chanson moralisatrice qui exaltait le patriotisme, l’obéissance et la modestie, en modifiant le refrain pour en faire :

Fils de Dieu, créateur de la terre,
Accomplissons chacun notre métier
Le gai travail est la sainte prière
Ce qui plait à Dieu, c’est le SUBLIME ouvrier.

Ce n’était pas Dieu qui était "sublime", mais les ouvriers eux-mêmes, seuls créateurs de richesses par leur travail.

Au temps des premiers journaux socialistes portant des titres évocateurs : "La revanche du forçat" - "le cri du forçat" - "le réveil du forçat", la philosophie des "sublimes" se présente comme une forme de résistance à la pression des patrons qui veulent accroître les cadences, stimuler la productivité, mettre au pas chaque ouvrier.

L’ouvrier qualifié sent mieux que tout autre le poids de la conjoncture. Il a l’oeil sur son travail et un autre sur les stocks et les commandes à livrer. Les moindres fautes du patron sont mises à profit.

Si le patron convient d’un prix pour le montage ou le façonnage d’une machine, si le travail est aux 3/4 fait et si un "sublime" sait que son patron est en retard pour la livraison, il quitte aussitôt l’atelier avec la moitié de l’équipe.

Que peut faire le patron ? Il sait bien qu’il ne peut compter sur les ouvriers "vrais", des "fayots" incapables d’exécuter un travail difficile. Il se résigne alors et accorde l’augmentation.

Nombreux sont aussi les ouvriers qui commencent leur semaine le mardi. Quant aux grèves, près de la moitié d’entre elles ont lieu au printemps.

Les patrons ont beau frapper d’une amende ceux qui ne viennent pas travailler le lundi, rien n’y fait. L’ouvrier est sûr de trouver dès le lendemain, s’il le veut, à s’embaucher ailleurs.

Les sublimes ont disparu de notre mémoire, et l’Histoire rapidement effacé ces ouvriers frondeurs, facétieux, volontiers célibataires, rebelles à l’autorité patronale mais amoureux du travail bien fait.

Le Syndicat Unifié du Bâtiment se les rappelle et les évoque lors de la réalisation de ses chantiers syndicaux fiers de la mise en œuvre collective de nos savoir-faire