LES OFFICINES DE LA HONTE

Ou comment prospérer sur la misère du monde !!!
lundi 13 janvier 2025
par  SUB-TP-BAM RP
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On a vu dernièrement, dans le métro parisien, un affichage scandaleux et racoleur de Démarche Française.
Bien que nous soyons malheureusement informés régulièrement, et chaque fois révoltés, de ce type d’arnaques, il semble que ces officines n’hésitent plus à s’afficher au grand jour, surfant sur le désespoir rencontré par les travailleurs et travailleuses étranger.es

Une situation catastrophique

Aujourd’hui en effet, que ce soit pour une première demande de régularisation ou pour un renouvellement de carte de séjour, le passage obligé par « l’administration numérique des étrangers en France » (Anef) précarise les personnes étrangères et rend plus difficile le travail des agents en préfecture.
Pour les étrangers, toutes ces démarches liées au séjour se font désormais en ligne.
Cette dématérialisation devait, selon les propos fallacieux du gouvernement, faciliter les démarches des usagers étrangers, autrefois souvent contraints de passer la nuit devant leur préfecture dans l’espoir d’obtenir un rendez-vous.
En 2022 déjà Le Conseil d’état avait retoqué le « tout en ligne », imposant au gouvernement de proposer des alternatives aux usagers.
Dans un rapport rendu le 11 décembre dernier, le défenseur des droits épingle, à son tour, les services de l’Etat dénonçant des « atteintes massives » aux droits des étrangers.
Aujourd’hui en effet, dans la plupart des préfectures, les délais d’attente pour rendez-vous (de droit au séjour), dépassent les 12 mois, et les tribunaux deviennent alors des « chambres d’enregistrement » de la préfecture. La majorité des contentieux consistant actuellement à obtenir un rendez-vous, de plus en plus fréquemment, la dépose d’une requête conduit à ce que quelques jours plus tard, la préfecture demande à ne pas statuer, fournissant une convocation pour un rendez-vous.

Escrocs patentés

Cette « maltraitance institutionnelle », pousse les plus désespérés à avoir recours à des officines qui leurs promettent monts et merveilles, abusant ainsi de la situation de détresse et de faiblesse.
Au regard :
• Du blocage de la procédure, devant lequel les associations ou syndicats, qui font de l’accompagnement du droit au séjour, sont désarmés,
• Des difficultés rencontrées, pour avoir des dates de rendez-vous, par les syndicats ou collectifs de sans-papiers qui disposent pourtant d’accord tacites sur un nombre de dossiers mensuels déposés,
Pour disposer d’une attestation de dépôt (résultat d’une connexion internet), ces personnes sans-papiers, se laissent séduire par des propositions mensongères qui leur donne un espoir fugace (bientôt déçu).

La chronique des tribunaux s’est faite l’écho de quelques affaires remontées à la surface de l’escroquerie à la petite semaine, comme celle de cette fausse avocate condamnée, en mars 2022, à 3 mois avec sursis, pour exercice illégal de la profession d’avocat, et 2 000 euros de préjudice moral et 500 euros d’article 700, à l’ordre des avocats du barreau de l’Essonne, qui avait initié les poursuites.
Cette femme, qui avait travaillé pendant 16 ans dans un cabinet d’avocat comme secrétaire, avait ouvert, en 2015 un « Cabinet de soutien à l’insertion et à la procédure », se présentant, auprès de sans-papiers, comme conseil spécialisé en procédure de demande de séjour. Des prestations qu’elle facturait de 80 à 90 euros.

Une autre affaire avait précédemment défrayé la chronique en juillet 2021, en la personne de Azzedine Jamal, agent de star et conjoint de Gilles Wullus, rédacteur en chef de l’hebdomadaire POLITIS (mis en retrait de ses fonctions et responsabilités au journal, après la révélation du scandale), visé par plusieurs plaintes pour « usurpation » et « escroquerie » après s’être fait passer pour un avocat auprès des personnes sans papiers.
Contre une somme allant de 5 000 à 9 000 euros, il leur promettait une prise en charge de leurs démarches administratives dans l’optique d’une régularisation, dans un délai de deux à trois mois.
C’est le média en ligne StreetPress qui avait révélé avoir formellement identifié 79 victimes de ses magouilles, dont 55 personnes sans-papiers
Son mode opératoire était pour le moins élaboré. Par l’intermédiaire d’offres d’emploi, il recrutait des « apporteurs d’affaires », « assistant avocat » ou « juriste en droit des étrangers » sans qu’aucune compétence en la matière ne soit requise. Ces personnes étaient ensuite chargées de trouver des sans-papiers à régulariser. Selon StreetPress, ces « apporteurs d’affaires » pouvaient toucher un salaire assez conséquent allant jusqu’à 3 900 euros brut mensuels. Les contrats proposés étaient des CDI afin d’attirer le plus de monde possible. Pour crédibiliser son entreprise, Azzedine Jamal avait usurpé le nom d’un cabinet d’avocats nommé « JS Law ».

Le vendredi 11 octobre dernier, dans une affaire similaire, d’une ampleur encore plus grande (des centaines de victimes), une femme de 44 ans, a été condamnée pour « contrefaçon du travail d’avocat », à une peine de 18 mois de prison avec sursis probatoire par le tribunal correctionnel de Rouen. Usurpant la fonction d’avocate, elle disait, depuis 2017, pouvoir assurer l’obtention d’un titre de séjour, et justifiait la somme soutirée à ces « gens vulnérables« , pour la corruption d’agents de la préfecture.

Avocats éclaboussés

Comme précédemment invoqué l’Ordre des avocats n’hésite pas à poursuivre celles et ceux qui se parent illégalement de la robe noire. On aimerait que ce soit la recherche de la justice plus que l’éradication de la concurrence de détrousseurs de grands chemins, qui les motive, car le ménage est aussi à faire dans leurs propres écuries, où certains, assurément en manque de clientèle, n’hésitent pas à facturer 600 euros une demande de rendez-vous en préfecture (que l’on peut faire sans frais sur internet), sans avoir même constituer le moindre dossier, exposant ainsi les sans-papiers, pris dans leur filet, à un refus de titre de séjour, une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), voir une Interdiction du Territoire Français (ITF) de plusieurs années … Auxquels ils proposeront alors un recours (entre 1 500 € et 2 000 €), malheureusement sans espoir, sur la base d’un dossier incomplet et bâclé.

Démarche Française

Cette officine va plus loin, et s’affiche largement. La sobriété de son titre, et sa communication en trois couleurs (bleu, blanc et rouge) peut laisser croire qu’il s’agit d’une structure administrative gouvernementale destinée à fluidifier l’accès en préfecture.
Il n’en est bien sûr rien, si ce n’est son goût de l’argent facile et décomplexé, en résonance avec l’esprit du temps macroniste.
Elle propose ses services pour les démarches concernant la naturalisation, la première demande ou le renouvellement d’un titre de séjour, et le logement social (toutes démarches que l’on peut faire individuellement et gratuitement par une connexion internet)
Un local refait à neuf, à cette enseigne, plein de drapeaux français partout, a ouvert, par exemple dernièrement dans le centre commercial Montparnasse (dont les autres boutiques sont quasiment toutes fermées, car un gros projet d’aménagement étant prévu, les baux à terme n’ont pas été renouvelés). Que vient elle faire dans ce désert ? Pourquoi investir dans une adresse toute provisoire ?

Démarche Française demande 1590,00 € pour une première demande de titre de séjour, 890,00 € pour un renouvellement 1 749 € pour une demande de naturalisation française.
Visant la quantité, et la durée, Démarche Française fait du volume, et appâte ses futurs clients par une annonce d’un premier « rendez-vous gratuit », auquel succède aussitôt une facture de 35 €, pour effectuer une demande de pré demande de renouvellement de carte de séjour, puis insidieusement un abonnement caché de 29,90€ tous les deux mois, qu’il devient très difficile d’arrêté.
Des engagements et des sommes qui peuvent dans le temps s’avérer lourdes pour des personnes en grande précarité, économique et sociale, et pour un résultat décevant (pouvant se révéler désastreux à terme), et un harcèlement téléphonique incessant pour pousser les victimes à toujours plus de consommation de faux conseils juridiques.
Cette société constitue des fichiers, et démarche des personnes (sans leur consentement) par SMS en utilisant des données à caractère personnel recueillies illégalement, constituant une base de données établie en collectant des noms et prénoms à "consonance étrangère", les supposant en situation irrégulières, ou en attente de logement social.

Agir

Il est impossible de laisser prospérer ces officines de la honte.
Cela ne peut se faire qu’en :
• Renforçant notre solidarité effective auprès des travailleurs et travailleuses sans-papiers,
• Formant le maximum de nos militants à l’accueil et l’accompagnement des démarches de régularisation, d’accès à la santé et au logement social,
• En prenant toute notre part dans les collectifs de mobilisation contre les lois racistes,
• En faisant connaître les permanences des syndicats et associations qui accompagnent les sans-papiers,
• En collectant des informations sur les vautours qui se nourrissent du désespoir
• En dénonçant et attaquant ces officines de la honte.


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