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Hommage à notre camarade Pascale Duniaud, décédée le 20 décembre 2022

mardi 3 janvier 2023, par SUB-TP-BAM RP

Nous avons connu Pascale au moment de la création de notre section syndicale CNT début 2007.
Raconter son parcours de combattante est pour nous une façon de lui rendre hommage, de ne pas
passer sous silence les douleurs engendrées par l’inadaptation du monde du travail au handicap et de
rappeler l’actualité de ce combat.
Selon ses mots, suite à une intervention chirurgicale « ratée » en 1999 (pour laquelle elle n’a jamais pu
obtenir réparation), Pascale était devenue hémiplégique et contrainte à se déplacer en fauteuil roulant.
Après son arrivée en poste début 2007 à la DDE 94 (à Créteil) en tant qu’attachée (catégorie A),
Pascale fut rapidement en contact avec notre syndicat par rapport à sa situation ubuesque d’avoir à
dépenser près de la moitié de son salaire pour venir travailler ! En effet, ses frais de déplacement
domicile-travail (en taxi) s’élevaient 1 200€ par mois, ce qui n’avait alors guère ému l’administration, peu
empressée de rechercher des solutions... À cette époque, en nous sollicitant, Pascale concluait avec
humour, par « bonne semaine, au soleil (c’est encore gratuit) »
Sa situation illustrait les difficultés d’accompagnement post-recrutement des personnels en situation de
handicap : au-delà de la politique du chiffre (obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés, selon
la loi du 10 juillet 1987), rien n’avait été prévu après l’embauche, si bien qu’au bout de 4 mois, Pascale
avait déboursé 5 000€ rien que pour venir travailler !
En découvrant les faits en avril 2007, nous sommes intervenus syndicalement en poussant un gros
coup de gueule ! Nous avions alors exigé l’implication personnelle de la direction de la DDE pour une
prise de contact directe avec le président du Conseil Départemental, gestionnaire de Filival (organisme
aidant au déplacement des personnes à mobilité réduite, les déplacements domicile-travail étaient
prioritaires pour la prise en charge). Dans l’attente, nous avions réclamé la mise en place de
covoiturage via des collègues habitant près de chez elle ainsi que le recours temporaire au travail à
distance.
La mise à disposition partielle d’un chauffeur de la DDE avait permis de limiter les frais, mais la solution
de transport adapté au handicap n’est intervenue que fin 2007.
Si la situation financière de Pascale s’était stabilisée, ses conditions de travail restaient pénibles et tout
particulièrement par le fait de se trouver isolée car affectée à l’écart de son service (6 étages plus bas !),
en raison de problèmes d’accessibilité des étages supérieurs du bâtiment du 12/14 rue des archives.
Dès 2010, Pascale avait exprimé la volonté de changer de poste et avait obtenu en 2012 le financement
d’un bilan de compétence. Celui-ci concluait à l’utilité de réorienter ses recherches vers des postes de
catégorie B+ afin de retrouver un peu plus d’assurance professionnelle. En se référant aux conclusions
du document, elle a postulé plusieurs fois en 2013/2014 mais ses demandes de rendez-vous sont alors
quasiment toutes restées sans réponse...
Face à ce manque de respect, notre section syndicale a à nouveau accompagné Pascale fin 2014 en
sollicitant un rendez-vous auprès de la direction de l’UDEA94 et du service social régional. Face à une
administration dépourvue de solutions, nous avions suggéré à partir des centres d’intérêts de Pascale
(dont les relations humaines, le logement) sa participation à des journées de découverte des métiers
dans les services recruteurs afin d’aboutir à des propositions « sur-mesure » d’adaptation des postes à
ses contraintes.
Fin 2015, nous avions dû relancer par écrit l’administration car aucune préconisation n’avait été mise en
œuvre et Pascale s’était à nouveau heurtée à des non-réponses suite à des demandes de mutation...
Nous pointions alors l’absence d’effort de l’administration qui à notre sens devait, pour trouver une
solution, être en mesure de faire évoluer (adapter et aménager) des postes existants pour les proposer
à l’agent. Et nous concluions en interrogeant l’administration sur la discrimination en lien avec un
handicap, subie par Pascale dans son cadre professionnel.

Après une dernière relance infructueuse, Pascale a décidé de saisir le défenseur des droits en
septembre 2016 pour demander la mise en application des obligations légales du droit prioritaire à
mutation, requérant la proposition de postes adaptés aux aspirations et contraintes de l’agent.
En janvier 2017, la rencontre d’une déléguée du défenseur des droits fut un moment très éprouvant :
une personne pressée, non formée (« la Fonction Publique, c’est compliqué... »), qui ne s’adressait qu’à
l’accompagnant syndical « valide » en ignorant Pascale, comme si elle n’était pas dotée de capacité de
défendre elle-même sa demande... Résultat : zéro soutien et une attitude humiliante !
À la même période c’est ajouté l’entretien avec la médecine du travail (externalisée au privé) qui a dit en
substance à Pascale « il faut comprendre l’administration, c’est dur de vous trouver un poste, le plus
simple serait le 100 % télétravail ou la retraite », une honte !
Refusant de baisser les bras, nous avions dans la foulée rencontré le secrétariat général de la DRIEA...
que nous avons du relancer un an après début 2018, pour rappeler les démarches engagées et exiger
le soutien de l’administration au nom de l’obligation de résultat en matière de priorité de mutation des
travailleurs handicapés. Malgré cela, aucun soutien concrêt n’a été apporté aux démarches de
Pascale...
Fin 2019, avec l’appui de notre organisation syndicale, Pascale avait obtenu un avis favorable pour un
poste à la DRIHL sur un poste de chargé d’études/gestionnaire de données, qui finalement n’a pas été
vacant.
Depuis, Pascale semblait se contenter malgré elle de sa « réintégration » au même étage du reste de
son service et avait renoncé à une mobilité.
Aussi douloureuses que soient toutes les fins de non-recevoir ayant émaillé son parcours, Pascale a su
faire preuve de ressources morales pour essayer d’en faire abstraction. Nous le voyions par ses petites
blagues qu’elle nous adressait régulièrement en privé ou en relayant des infos sur des initiatives
citoyennes en matière d’écologie et de handicap.
Pascale avait adhéré à notre section syndicale en mai 2017 suite à une présentation que nous avions
faite à son domicile et elle est restée adhérente jusqu’à la fin 2021. Malgré ses contraintes, Pascale était
venue donner un coup de main à notre syndicat un samedi matin lors de notre brocante de livres
d’occasion. Ses déplacements restaient très compliqués, l’accès à son immeuble étant fermé par une
barrière et nécessitant un accompagnement physique jusqu’à son appartement, que les chauffeurs
n’étaient pas tous en mesure d’assurer. Pour notre part, nous regrettons que l’inaccessibilité de nos
locaux syndicaux ait compliqué l’investissement de Pascale à nos côtés, et cela demeure notre plus
grand regret.
Côtoyer Pascale a contribué à la prise de conscience de la tâche restant à accomplir pour l’intégration
des personnes handicapées dans le monde du travail. Modestement, nous avions par exemple défendu
une démarche non excluante en marge de la « journée vélo » organisée chaque année via le comité
local d’action sociale (CLAS) en étendant son accès au bénéfice des personnes à mobilité réduite,
conviées à un parcours alternatif et à partager le repas collectif avec les cyclistes.
Le tout dernier engagement de Pascale à nos côtés fût de nous donner, en octobre dernier, son accord
pour figurer sur la liste que nous avons présentée aux élections professionnelles en DRIEAT.
Pascale, nous ne pouvons conclure sans saluer ton immense courage, ton amour des chats, ta
sensibilité musicale et aussi ton attachement aux aspects joyeux et revendicatifs de la vie.
Nous ne t’oublions pas, et les combats que tu as menés dans le milieu professionnel restent les nôtres !
La section Environnement Aménagement Logement
du syndicat CNT SUB de la Région parisienne