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LEROY-MERLIN DANS LE COLLIMATEUR DE LA GUERRE EN UKRAINE.

"Le capitalisme porte en lui la guerre, comme la nué porte l’orage."(*)

jeudi 24 mars 2022, par SUB-TP-BAM RP

Hier, Volodymyr Zelensky (président Ukrainien), lors d’une allocution en visioconférence devant les député•e•s et sénateur•trice•s français, a demandé, aux « entreprises françaises » de « quitter le marché russe ». « Renault, Auchan, Leroy Merlin et autres, doivent cesser d’être les sponsors de la machine de guerre de la Russie ».
Déjà, alors que dimanche dernier, un magasin Leroy Merlin situé dans un centre commercial près de Kiev, avait été bombardé le ministère ukrainien de la Défense s’était fendu d’un tweet ravageur : « Leroy Merlin est devenu la première entreprise au monde à financer le bombardement de ses propres magasins et à tuer ses propres employés. Une cupidité inhumaine et déchirante ». Selon le bilan provisoire donné par le parquet général lundi, 8 personnes seraient décédées lors de la frappe russe sur le centre commercial, dont un employé du magasin.

Les responsables politiques ne sont pas les seuls à avoir pris position contre la stratégie de la famille Mulliez (propriétaire du groupe Adeo qui comprend Leroy Merlin, mais aussi Auchan ou Decathlon) . Une pétition signée « Leroy Merlin Ukraine » et relayée lundi par le compte Instagram de la filiale demande l’arrêt des relations commerciales du groupe Adeo en Russie. « Chaque jour de travail de Leroy Merlin Russie, chaque rouble versé au budget de l’Etat russe sous forme d’impôt, aide l’agresseur à approvisionner son armée et à tuer encore plus d’Ukrainiens, parmi lesquels des femmes enceintes et des enfants, dont certains se trouvent encore dans les territoires occupés en situation de crise humanitaire », peut-on lire.
D’après une employée jointe par l’AFP, l’initiative a été réalisée au nom d’une « grande partie des salariés ukrainiens ». Une semaine auparavant, la responsable des ressources humaines de Leroy Merlin Ukraine, Liudmyla Dziuba, avait déjà pris la parole sur Linkedin, pour déplorer l’exclusion des collaborateurs ukrainiens du système de communication interne de Leroy Merlin, qui se justifie par le risque de cyberattaque. « Tous les employés de Leroy Merlin Ukraine se sont perdus de vue. A l’heure où nombre de nos salariés sont en danger, dans les régions occupées, bombardées sous les décombres. Nous sommes simplement brisés par de telles actions du groupe… Veuillez expliquer quelles mesures de sécurité numérique […] peuvent être comparées au danger pour la vie des employés qui, à un moment critique sont coupés de la communication externe et interne et ont besoin d’aide ? », a-t-elle critiqué. Manifestement excédée par la réaction de son employeur, la responsable RH a aussi relayé l’appel au boycott de la Russie lancé par les salariés de l’enseigne.
Nombreuses les critiques nombreuses de la stratégie du groupe en Russie et les appels au boycott se sont multipliés sur les réseaux sociaux après le bombardement du centre commercial. La radio polonaise publique a par ailleurs annoncé lundi avoir « décidé de rompre sa coopération publicitaire avec la marque française Leroy Merlin et de ne plus diffuser ses publicités sur toutes ses ondes ».

Qu’en dit Leroy-Merlin
Adeo, la holding de Leroy Merlin, a répondu hier (mercredi) : "La décision du maintien de notre activité en Russie n’est pas facile, où nous avons une responsabilité d’employeur vis-à-vis de nos 45 000 collaborateurs et de leurs familles qui contribuent depuis 18 ans à la construction de Leroy Merlin Russie". "Nous n’avons pas de raison de condamner nos équipes russes pour une guerre qu’elles n’ont pas choisie."
Pour plus de clairvoyante, soulignons qu’en plus de la « responsabilité sociale » de Leroy Merlin envers ses personnels en Russie, le poids du marché russe dans son chiffre d’affaires pèse indéniablement dans la balance : pour le spécialiste du bricolage, la Russie est le deuxième marché derrière la France et représente plus de 18 % de son activité (avec 36 000 salariés et 112 magasins dans 56 villes).
"Fermer l’entreprise du jour au lendemain, fermer nos magasins, serait tout simplement un abandon considéré comme une faillite préméditée, donc illégale ouvrant la voie à une expropriation, qui renforcerait les moyens financiers de la Russie", a ajouté Adeo.
Elle assure en revanche avoir "décidé au début du conflit de suspendre les nouveaux investissements" en Russie.

Cependant, et venant contredire ces déclarations lénifiantes, le bruit se répand que Leroy Merlin aurait non seulement l’intention de rester en Russie, mais encore de profiter du départ de ses concurrents pour y grossir. Adressée aux « partenaires » de Leroy Merlin, Une lettre (du début du mois de mars) annonce que ses dirigeants n’ont « pas pour projet de mettre fin aux activités » de l’entreprise en Russie. « Durant la semaine passée, vous avez reçu de notre part des commandes considérablement revues à la hausse, ce qui est lié à l’augmentation considérable du volume de nos ventes », se félicitent les responsables de la branche russe de Leroy Merlin.
Dans cette lettre, ils annoncent par ailleurs prévoir « durant les trois-quatre prochains mois » de remplacer entièrement les produits importés, ceux « pour lesquels il existe actuellement des difficultés de production ou de fourniture », par des marchandises produites en Russie.
Le courrier se termine par un appel aux propositions des fournisseurs de Leroy Merlin, qui seraient « relatives à la hausse des volumes de vente ainsi qu’à l’élargissement de l’offre des produits ». Une expansion à laquelle l’entreprise se dit « ouverte », « depuis que certaines autres entreprises ont quitté le marché » russe.

Qu’en est-il des syndicats (dit représentatifs) ?
Avant cette déclaration de l’entreprise, au micro de France-info mardi, Jean-Marc Cicuto, délégué syndical central CFTC à Leroy Merlin, s’était dit « extrêmement en colère du silence profond » de sa direction. N’appellant pas (bien évidemment) à fermer les magasins russes, le délégué CFTC avait condamné l’absence de réaction de l’enseigne : « Nos collègues français sont dans l’expectative. Ils regardent les journaux, on voit les missiles tomber près d’un de nos magasins en Ukraine et on n’a pas de réponse. Ce n’est pas acceptable qu’une entreprise comme Leroy Merlin ne donne pas d’informations, que ce soit en interne ou que ce soit en externe. »

D’après Bernard Vigourous, représentant syndical Force ouvrière au sein de Leroy Merlin,. La position maintenue depuis le 24 février (celle de ne pas mettre fin à ses activités en Russie), serait une manière de « continuer à verser des salaires » aux employés russes, et leur permettre ainsi de subvenir aux besoins de leurs familles. Quand on dit que le paritarisme mène à la collaboration de classe, FO n’est jamais en reste. A quoi peut donc servir d’être délégué central s’il on n’est pas capable de mesurer salaires et bénéfices ?
« Les seules informations qui circulent » auprès des salariés français de l’enseigne portent sur « des opérations humanitaires destinées à aider les Ukrainiens », assure Bernard Vigourous, qui déplore un manque de transparence sur la stratégie de la direction de Leroy Merlin, « même en temps normal ». Si le syndicaliste regrette que la décision d’acter un départ de Russie « n’appartient pas » aux salariés et « tarde vraiment beaucoup », il se dit « persuadé que la réflexion est plus complexe que ce qu’elle en a l’air ». Trop complexe assurément pour que FO s’interroge sur la lutte de classe et l’internationalisme.

Nos lecteur•trice•s nous excuserons de ne pas nous appesantir sur les déclarations de la CFDT.

Bien que s’appuyant sur des références historiques la CGT, elle aussi, semble loin d’être en capacité de faire vivre l’internationalisme prolétarien nécessaire à la situation.
Dans son communiqué, signé par Romain Coussin (Délégué syndical central CGT Leroy Merlin), la CGT recourt à un argument qui fut-il juste (« penser que Leroy Merlin finance indirectement les missiles russes de Poutine est un raccourci (…)"), permet de botter en touche, quant-à-la responsabilité et aux moyens d’agir des organisations syndicales dites représentatives. Comme si, fermer les enseignes en Russie devait obligatoirement jeter les salarié•es russes dans la misère.
Faute de s’envisager en capacité de créer un rapport de force avec la famille Mulliez, la CGT tombe dans le pacifisme bêlant (et donc sans effet) : « Nous en appelons à la désescalade des violences militaires, à toute forme de soutien au peuple ukrainien et à leur accueil sans condition sur notre territoire et celui de nos voisins ».
Et ne trouve comme seule réponse au capitalisme ravageur, que l’appel à la charité (comme le fait (selon FO) Leroy-Merlin) envers les victimes de guerre par l’organisation d’un « convoi syndical (sur le modèle du convoi syndical pour la Tchétchénie comme dans les années 90) pour l’Ukraine afin de témoigner la solidarité des travailleuses et travailleurs de France à la population Ukrainienne en envoyant sur place produits de première nécessité et matériel de soin aux blessés ».

Pour que vive l’internationalisme prolétarien
Tous ces syndicalistes semblent avoir oublié, qu’il y a plus d’un siècle, des syndicalistes avaient déjà pu constater que le capitalisme s’internationalisait et que pour cela il fallait que le prolétariat agisse de même.
Nos syndicalistes semblent oublier que si la Russie représente 18% de son activité, il en reste 82%, ailleurs dans le monde, sur lequel les syndicalistes peuvent faire pression en freinant ici l’activité du groupes. A choisir entre 18 et 82%, nous pensons que la famille Mulliez saurait, Elle, faire ses comptes.
Agir sur 82% de son activité, permettrait sans doute de négocier, avec la famille Mulliez le versement de leur salaires, aux salarié•e•s russe jusqu’à la fin du conflit. Et en tant que salarié•es qu’auraient donc à craindre les russes de l’éventuelle nationalisation de Leroy-Merlin en Russie ? L’Etat-patron est-il pire ?
Le syndicalisme dit représentatif s’est fourvoyé dans le syndicalisme d’entreprise ou pour beaucoup défendre l’emploi est devenu défendre la marque, et donc défendre les intérêts de l’exploiteur.

Revenons à un syndicalisme de lutte de classe et d’action directe.
Revenons à un syndicalisme d’industrie.

Salarié•e•s des magasins de bricolage,
votre place est au syndicat du Bâtiment, à la CNT CONSTRUCTION.
Venez-nous y rejoindre !

(*) citation de Jean Jaures