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COMMENT LE SYNDICAT REPOND A CERTAINES QUESTIONS DE SALARIE•ES, QUAND CES QUESTIONS VONT A L’ENCONTRE DE SES VALEURS.

lundi 28 février 2022, par SUB-TP-BAM RP

Notre syndicat reçoit périodiquement des mails de demande d’aide juridique.
Il y répond toujours.
Cependant il arrive que certaines demandes soient en contradiction avec les valeurs, principes ou pratiques de notre syndicalisme de lutte de classe.
Comme organisation de classe, il nous parait indispensable de répondre à toute demande afin de faire vivre et propager notre solidarité. On ne laisse jamais un•e travailleur•euse sans lui donner quelques éléments pour comprendre et/ou contester l’injustice dont il se sent victime.
Nous précisons cependant les réserves que nous émettons et les limites de notre intervention.

Pour illustrer notre propos nous vous présentons ici l’une de ces demandes et la façon dont nous y répondons.

Cette fois, cela concerne l’abattement de 10% pour Déduction Forfaitaire Spécifique.

Demande reçue :
« Bonjour
Je vous contacte car ne sachant plus où me renseigner je désespère, fin décembre mon employeur m’a donné avec ma fiche de paie une note d’information, relatant la fin d’abattement de 10%. Ou il m’informe qu’à compter du 1 et janvier 2022 ils ne pourra plus appliquer la déduction forfaitaire pour frais professionnel, il m’explique que cela aura un impact sur mes cotisations de retraite et de chômage ( plus élevé ), et des IJSS plus élevé en cas d’arrêt maladie, une exonération de cotisations sur les paniers repas et les indemnités de transport …Et un salaire net moins élevé du fait de la réduction de la base de calcul des cotisations sociales.
Hors il ne m’a pas prévenu au moment de mon embauché et aujourd’hui je me retrouve avec un peu moins de 300 euro en moins sur mon salaire, à t’il le droit de me prévenir qu’avec une simple note d’information ? A t’il le droit de me retirez du salaire ? »

Réponse du syndicat :
« Bonjour,
Le bureau Confédéral de la CNT-f nous a fait part de votre demande concernant la décision de votre employeur de mettre fin à la mise en œuvre de la Déduction Forfaitaire Spécifique à laquelle, semble-t-il, votre activité professionnelle vous donne droit.
Ne connaissant pas, d’une part, la dimension de votre entreprise et la nature des instances du personnel qui y existent, nous ne pouvons pas répondre parfaitement à votre question.
Nous ne savons pas, d’autre part, si votre domiciliation correspond à notre champ territorial d’intervention (Ile-de-France).
Enfin notre syndicat émet les plus grandes réserves sur cette DFS qui pour, ce qui semble un avantage pour le salarié en terme de salaire net, met en péril le « salaire socialisé » (qui est un acquis des luttes syndicales et réduit la situation de misère dans laquelle se trouvaient les travailleur•euses dans les situations de maladie et de vieillesse) … et n’est en fait, que pour le plus grand bénéfice du patronat.

Si vous envisagiez de contester cette décision unilatérale de votre employeur, il s’agirait alors peut-être de considérer le DFS comme un usage et d’argumenter en ce sens.

Définition de l’usage : L’usage correspond à une pratique habituellement suivie dans l’entreprise et prend la forme d’un avantage supplémentaire accordé aux salariés ou à une catégorie d’entre eux par rapport à la loi, la convention collective ou au contrat.
Pour qu’une pratique soit qualifiée d’usage, il faut qu’elle remplisse trois conditions jurisprudentielles que sont la constance dans le temps, la généralité et la fixité (Cass. soc., 15 avr. 1992, n° 88-44.439).
En l’absence de règles légales de dénonciation de l’usage, la jurisprudence a précisé à quelles conditions l’employeur peut y mettre fin.
D’après la jurisprudence constante, la dénonciation par l’employeur de l’usage est opposable à l’ensemble des salariés concernés dès lors que cette décision a été précédée d’une information donnée, en plus des intéressés, aux institutions représentatives du personnel, dans un délai permettant d’éventuelles négociations (Cass. soc., 25 févr. 1988, no 85-40.821).
Ainsi, pour que l’employeur puisse valablement dénoncer un usage, il doit, chronologiquement :
– informer les institutions représentatives du personnel ;
– informer individuellement chaque salarié ;
– respecter un délai de prévenance suffisant : entre la décision de l’employeur de dénoncer l’usage et la disparition effective de l’avantage doit en effet s’écouler un délai de prévenance suffisant (Cass. soc., 14 nov. 1990, no 88-42.325).
Ce délai a pour finalité de permettre l’engagement d’une négociation collective (Cass. soc., 9 févr. 1994, no 91-19.321). Sa durée minimale n’est fixée par aucun texte et relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Bien que les règles de dénonciation des accords collectifs ne soient pas applicables en matière d’usage d’entreprise, il peut être utile de prendre un délai de référence minimal de trois mois (délai du préavis prévu par le Code du travail en matière de dénonciation d’accords collectifs).
Ces trois conditions sont cumulatives.
L’employeur ne peut, sauf à le dénoncer, modifier unilatéralement l’usage tant dans son principe que dans ses modalités d’application (Cass. soc., 16 mars 1989, no 87-41.105).
Ainsi, au même titre que les accords collectifs de travail ou que le contrat de travail, l’usage d’entreprise s’impose à l’employeur qui est tenu de l’appliquer tant qu’il ne l’a pas régulièrement dénoncé.
En conséquence, à défaut de dénonciation régulière, l’usage reste en vigueur et les salariés sont fondés à en réclamer l’application (Cass. soc., 5 mai 2004, no 01-44.988).
En conclusion, seule la dénonciation régulière pourra mettre fin, au terme du délai de prévenance, à l’avantage issu de l’usage. Cependant, la dénonciation de l’usage ou de l’engagement unilatéral ne saurait avoir d’effet rétroactif (Cass. soc., 27 mai 1992, no 89-43.149).
Il est important de savoir que le seul cas où la procédure de dénonciation n’est pas obligatoire est celui où l’usage est remplacé par un accord d’entreprise ayant le même objet.

Nous avons, nous l’espérons, répondu (au moins en partie) à votre question.
Vous comprendrez, que compte tenu de nos réserves préalablement énoncées, nous n’allions pas plus loin.
Nous restons à votre disposition, comme à celle de tou•tes les travailleur•euses qui nous sollicitent, pour répondre à d’éventuelles autres questions, et participer à votre défenses quand les motifs correspondent aux valeurs collectives et solidaires que nous défendons.
Si vous n’habitez pas en Ile-de-France, nous vous invitons à contacter le syndicat du bâtiment le plus proche de votre domicile ou de votre activité professionnelle.

Cordiales Salutations Syndicalistes
Pour le Syndicat du Bâtiment de la Région Parisienne
Confédération Nationale du Travail