L’oeuvre de Martine Franck exposée à Paris
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Le SUB RP n’a pas l’intention de faire dans la critique Télérama pour la bourgeoisie parisienne. Pour autant, se saisir de l’image, travailler à la décrypter, à comprendre sa puissance à l’ère médiatique et viser à en produire pour démultiplier nos messages, ou plus généralement participer à l’éducation à l’image des travailleur·ses, sont des objectifs vers lesquels les organisations syndicales de lutte de classes doivent tendre.
Dans la recension de l’Ecran rouge parue que nous avions publiée en juin 2018, nous concluions notre article en disant qu’il allait falloir un sérieux virage des organisations de travailleur·ses pour qu’à nouveau, comme l’avait énoncé le cinéaste Costa-Gavras au Festival de Cannes, "le mouvement syndical se mette à produire des films pour montrer au peuple son histoire".
On pourrait partir de cette expression pour entrer dans l’œuvre de Martine Franck, exposée en ce moment à la Fondation Henri Cartier-Bresson, qui propose sa première exposition dans ses nouveaux locaux en plein cœur de Paris : que le mouvement syndical se mette à produire des images pour montrer au peuple son histoire, sa puissance et sa dignité. Trop souvent présentée d’abord comme épouse de Henri Cartier-Bresson, Martine Franck est une photographe fascinante par son traitement des formes et son empathie pour les sujets qu’elle met dans la boîte.
L’exposition présente de façon chronologique le travail de Martine Franck, née en 1938 et décédée en 2012, comme ses prises au Théâtre du Soleil fondé par Ariane Mnouchkine, dans les mouvements sociaux des années 60, dans les hospices dans les années 70 aux côtés des pauvres vieillissants, dans les banlieues ouvrières du Royaume-Uni à la fin des années 70, sur l’île de Thory en Irlande au début des années 90 et tout au long de sa vie en Asie (Inde, Népal, Japon, …). Ses photographies témoignent d’une grande humanité envers les sujets exclus ou marginaux qu’elle photographie, qu’il s’agisse d’anciens combattants, de vieillards misérables, de jeunes lamas tibétains en formation ou encore d’ouvriers des usines Renault en grève en mai 68. Ses photographies ne se limitent pas pour autant aux sujets abordés, puisque l’on y retrouve un sens profond de la composition – en référence à ou en écho à Cartier-Bresson, Doisneau ou encore la photographe américaine Marion Post-Wolcott -, et parfois un degré d’abstraction qui confère une grande poésie à ses photographies.
Martine Franck avait dit ou écrit que "pour être photographe, il faut un bon œil, le sens de la composition, de la compassion et un sens de l’engagement." On ne peut qu’en être convaincu·e après avoir observé les tirages de l’exposition.

Exposition Martine Franck (6 novembre 2018 – 10 février 2019) à la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris
Crédits agence Magnum